Les Ingénieurs et Scientifiques de France ont publié en novembre 2011 leur Livre Blanc, synthèse de propositions qu’ils formulent pour réindustrialiser la France, restaurer l’image de la technologie ou axer notre compétitivité sur l’innovation et la recherche. En s’appuyant sur l’histoire de ses corps de métier, les Ingénieurs et Scientifiques de France ont articulé leurs propositions autour de sept thèmes majeurs avec la rigueur et la méthode qui caractérise ces professions.
Réindustrialiser la France
Les délocalisations et expatriations de personnels expérimentés ou de jeunes diplômés ne doivent pas être une fatalité. Pour IESF, la France doit valoriser les savoir-faire et compétences en associant l’éducation, l’enseignement supérieur, l’industrie. Les PME doivent être soutenues et accompagnées dans leur développement via des aides ou un système d’orientation de l’épargne à long terme vers les secteurs productifs. Les Régions et l’Education ont un grand rôle à jouer dans ces thématiques. Si les grands projets doivent être aidés, les petits projets ne doivent pas être oubliés, dans les domaines du vieillissement, des technologies du vivant ou de l’environnement par exemple. L’image de l’entreprise comme source d’innovation collective est à renforcer. Elle devra être moins soumise aux actionnaires et aux réflexions à court terme. Le personnel doit être impliqué dans les définitions stratégiques et les rémunérations extravagantes de certains dirigeants corrigées. La reprise d’activité doit être soutenue tout comme la création.
Recherche, innovations, inventions
Pour les ingénieurs et scientifiques de France, ces trois paramètres sont la clef de notre compétitivité. L’innovation doit être défendue en impliquant plus fortement les PME. Le développement de l’innovation peut être encouragé en favorisant la mixité culturelle des équipes ainsi que les divers partenariats entre entreprises, mais également entreprises – centre publics de recherches, et entreprises – pôles d’enseignements et de recherches. Les inventions et innovations doivent être encouragées et surtout valorisées au sein des établissements de recherche ou de production. Le développement de l’innovation doit devenir une priorité nationale. Les IESF sont prêts à animer un observatoire de l’innovation collaborative pour encourager et suivre les expérimentations peu ou pas aidées. Ils préconisent un financement de la Défense pour des applications de recherches aussi bien militaires que civiles. En outre, les transferts de technologies pourraient être accélérés via des coopératives de gestion de la propriété intellectuelle. La recherche doit également être valorisée en multipliant les alternances entre universités et école d’ingénieur aboutissant à un doctorat. Une part de formation et d’activité professionnelle pourrait être consacrée à la recherche par exemple. Enfin, les sciences et techniques de l’information et de la communication doivent bénéficier d’un investissement massif, notamment vis-à-vis du très haut débit.
Formations
Le facteur humain est primordial pour la compétitivité des entreprises. La préparation des ingénieurs et scientifiques dépend de la qualité du système éducatif de base, des formations supérieures et de l’insertion en entreprise ou thèse. Le système français fonctionne bien. Les Prépa et écoles ont fait leurs preuves et les universités ont su s’adapter aux demandes du marché. Des choses peuvent cependant être améliorées comme l’intégration de cadres industriels dans les équipes enseignantes (et vice-versa) et la création d’une réelle filière « Ingénierie » regroupant différents domaines scientifiques. Les « Ecoles » et Universités pourraient s’inspirer de certains atouts propres : les universités pourraient ainsi s’inspirer des écoles en matière d’évaluation, de sélection, ou de pratiques de l’entreprise via les stages et projets. Les écoles, quant à elles pourraient créer des liens avec la recherche et rendre leurs cursus plus flexibles comme c’est le cas dans les universités. Le problème actuel n’est pas celui du nombre d’ingénieurs formés sur le territoire, mais plutôt celui de la valorisation des compétences et de la détection réelle des talents, qui ne correspond pas forcément à un lien direct avec la réussite scolaire. Des liens doivent être tissés entre ingénieurs et scientifiques, et la formation et le renouvellement des acquis et savoirs doit être possible tout au long de la carrière d’un diplômé. Les seniors doivent également être valorisés, par exemple pour la transmission de leurs savoir-faire et expériences en accompagnant de jeunes diplômés.
Défis énergétique
Le défis énergétique intègre plusieurs paramètres : besoin de production pour la croissance, demande importante liée à nos modes de vie, revendication d’autonomie énergétique, pollutions, etc. Les ingénieurs et scientifiques ont ici un grand rôle à jouer afin d’apporter les connaissances techniques des différentes innovations ou possibilités à venir. Cet apport doit se faire en transparence dans un réel débat public et avec l’objectivité et la rigueur qui caractérise la profession. Des actions volontaristes doivent être engagées et la sécurité des centrales nucléaires doit être une certitude dans le cœur des français. Aussi, deux voies s’offrent au pays : le nucléaire, rendu plus sûr et crédible ; ou bien l’investissement massif dans les énergies renouvelables. Dans l’idéal, ce questionnement devrait être réalisé avec pragmatisme au niveau mondial. L’association NégaWatt à montré qu’il était possible d’édifier des scénarios solides sur nos choix énergétiques et les changements de comportements que ceux-ci pourraient amener.
Développer une culture de prévention des risques
Les citoyens sont demandeurs de sécurité vis-à-vis des risques, naturels ou technologiques, et les ingénieurs et scientifiques sont volontaires pour participer plus activement aux grands débats scientifiques (nanotechnologies, etc.). La prévention des risques industriels doit rester une priorité, en particulier pour poursuivre la diminution du nombre d’accident au travail. Le citoyen doit être placé au cœur des débats. Il doit aussi participer à des exercices de prévention des risques. Un nouveau type d’expert doit voir le jour, ouvert au dialogue, pour expliquer et écouter de manière dépassionnée les sujets relatifs aux risques. Les mises sur le marché d’innovations et produits doivent être encadrées par des garanties de sécurité. Le principe de précaution est parfois mal compris et utilisé à tort. Il faut revenir au strict sens législatif pour ne pas empêcher la prise de risque, et donc le changement. Le développement d’une culture de sécurité est l’affaire de tous.
S’engager dans un développement responsable
Le développement durable offre des perspectives nouvelles d’innovations et de recherches. L’énergie en sera sans doute le principal axe, mais le développement durable doit être abordé dans une vision globale. Pour mieux comprendre les phénomènes sociaux et naturels, les ingénieurs et scientifiques doivent être sensibilisés à la réalité du vivant : formations accrues en botanique, biologique, histoire, etc.
Restaurer l’image attractive de la science
L’intérêt pour le savoir et la technologie baisse dans les pays développés. Le progrès et les avancées technologiques sont perçus dans leurs effets négatifs. La pédagogie peut redonner confiance dans l’innovation et éviter de sombrer dans le catastrophisme et la nostalgie du passé. La curiosité des jeunes doit être développée via des initiatives comme « La main à la pâte ». L’information sur les métiers de la science doit être correctement menée au lycée en accentuant l’effort sur le public féminin. Les enseignants, pour expliquer le monde de l’entreprise, doivent le connaître. Des rencontres, visites, échanges, peuvent être organisés entre personnel éducatif, et entreprises ou centres de recherche. Les ingénieurs et scientifiques doivent être valorisés. Les moyens matériels pour travailler doivent leur être donnés. La frontière entre techniciens et ingénieurs doit être supprimée en s’inspirant des modèles allemands d’évolution professionnelle. Pour dynamiser les ingénieurs et scientifique un Ordre pourrait être formé rassemblant les membres de la profession et adhérant à une charte de valeurs sociales. Cela pourrait être le moyen de faire travailler cette profession sur des sujets politiques et accroître l’intérêt de la chose publique chez les ingénieurs et scientifiques. Le bilan de la suppression de la déductibilité fiscale des cotisations, en particulier pour les associations à but non lucratif reconnues d’utilité publique devrait être dressé pour évaluer son impact réel sur les économies budgétaires.
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