Maurice Lévy va toucher cette année 16 millions d'euros de rémunération différée, qui s'ajoute à sa rémunération régulière, a affirmé lundi le site internet La Tribune. Le groupe n'a pas confirmé le montant de cette partie de salaire variable mise de côté pour lui être versée en 2012, mais a précisé que cette rémunération n'était ni un «parachute doré» ni «une indemnité de départ» et «devrait lui être versée dans les mois à venir».
Maurice Lévy, l'indéboulonnable patron de Publicis, affirmait, pourtant il y a plusieurs mois que l'ère des rémunérations astronomiques des PDG était révolue. En 2011, Il prend l'initiative d'une pétition signée par des grands patrons pour payer plus d'impôts et annonce à la suite qu'il renonçait à son salaire fixe de 900 000 euros en 2012.
Il se dédit cependant peu de temps après en s'élevant contre la proposition de François Hollande d'imposition à 75% des revenus supérieurs à 1 million d'euros. A la lumière de ces éclaircissements, on comprend mieux le sens de ce revirement.
Les socialistes, comme le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan ont dénoncé cette rémunération scandaleuse.
En meeting à Boulogne-sur-Mer, le candidat PS a lancé : «Il y a quand même des inégalités qui ne sont pas supportables dans notre pays, qu'on ne peut pas accepter et ce ne sont pas ces patrons-là qui vont nous faire la leçon sur la compétitivité de l'économie française!». Invité d'un récent forum sur la compétitivité organisé par Le Monde et l'AFEP (Association française des entreprises privées) présidée par Maurice Lévy qui, chaque année, édite chaque année un code de bonne conduite sur la gouvernance et la rémunération des dirigeants, Hollande a rappelé: «Moi qui avait fixé la barre à un million d'euros, sacrée différence !». Allusion, bien sûr, à sa proposition d'instaurer une taxation à 75% pour les revenus supérieurs à un million d'euros par an.
Jérôme Cahuzac, a renchéri : «L'inégalité dans la répartition de la richesse produite, quand elle est à ce point, est un désordre et ce désordre, il faut y mettre fin», a jugé le président PS de la commission des finances de l'Assemblée nationale. «Est-ce que, vraiment, on peut estimer que cette année, Maurice Lévy a eu une utilité sociale dont la juste contrepartie serait de percevoir 22 millions d'euros ? Eh bien, je ne le crois pas», a affirmé le député du Lot-et-Garonne. Sur son compte Twitter, il avait rappelé dès l'information connue que, selon l'article 20.02 de l'Afep, «la rémunération des dirigeants doit être mesurée, équilibrée, équitable et renforcer la solidarité».
Nicolas Dupont-Aignan, s'est ému de cette rémunération, en lançant à plusieurs reprises «Honte à lui !», sur le plateau de Preuves par 3. «Est-ce qu'il se rend compte un instant de ce qu'il est en train de faire», s'est interrogé le candidat de Debout la République, « Il devrait y renoncer et le partager entre tous les employés de sa société », a poursuivi Nicolas Dupont-Aignan, faisant valoir que « deux millions d'enfants sont élevés dans notre pays sous le seuil de pauvreté, un pays qui jette ses ouvriers et ses agriculteurs ».
Bien que Maurice Lévy ait renoncé à son salaire fixe, ses fins de mois ne devraient pas être trop difficiles. Car le plafond de sa rémunération variable va exploser dans le même temps, passant de 2,7 millions à 5 millions d'euros.
Publicis explique que cette rémunération a été approuvée en assemblée générale et est soumise à certaines conditions.
Ce relèvement substantiel aurait bien justifié quelques précisions sur les objectifs à atteindre. Or le document de référence est assez avare de chiffres et ne parle que de croissance organique du chiffre d'affaires (combien ?), de taux de résultat net (de quel montant ?) et d'évolution du bénéfice net par action, comparée à celle des principaux concurrents de Publicis (à quelle hauteur ?).
Enfin, il s'ajoutent deux critères qualitatifs. L'un porte sur "le développement du Groupe dans le numérique", l'autre sur "la préparation du management futur". Un critère qui peut faire sourire la cohorte de numéros deux, qui piaffent depuis des années en attendant que Maurice Lévy, patron de Publicis depuis 24 ans et qui vient de se faire octroyer la possibilité de rester encore cinq ans à son poste, lâche la main.
Ainsi, Maurice Lévy peut prétendre à une indemnité de 5,4 millions d'euros au titre d'une clause de non-concurrence le jour où il quittera Publicis, à... 75 ans.
Publicis est une belle entreprise, dont Maurice Lévy a contribué au succès, c'est un fait indéniable. A combien évaluer cette réussite ? C'est toute la question. "Je veux 'hypermériter' ma rétribution, quelle qu'elle soit", disait Maurice Lévy au Monde, en décembre 2011. Hyper : préfixe d'origine grecque signifiant au-dessus et indiquant un excès.
Source : Le Monde
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