Contrairement à ce que laisse entendre Angela Merkel, les performances de l’économie allemande n’ont rien eu d’exceptionnel depuis vingt ans. Et si l’Allemagne s’en sort mieux ces dernières années, c'est parce qu'elle ne respecte pas les politiques libérales qu'elle promeut pour les autres.
Le 15 juin dernier, Angela Merkel avait jugé que « la médiocrité ne doit pas devenir l'étalon » de la zone euro, en faisant clairement référence aux situations respectives des économies française et allemande pour justifier son intransigeance dans les débats sur l’avenir de la zone euro. Pourtant, si on prend un peu de recul, les performances de l’économie allemande n’ont en réalité rien eu d’exceptionnel depuis vingt ans. Et si l’Allemagne s’en sort bien sur les dernières années c’est plutôt parce qu’Angela Merkel mène en interne une politique contraire à la politique très libérale qu’elle préconise à l’extérieur.
Il n’a échappé à personne que l’économie allemande s’était mieux remise que les autres de la crise depuis 2009. Et notamment que l’économie française, même si celle-ci n’a pas été une des plus gravement affectées en Europe. Cela résulte cependant d’un comportement qui a fort peu à voir avec les leçons que prétend donner Angela Merkel au reste de l’Europe. C’est tout d’abord le fruit d’un refus total de la flexibilité du marché du travail : malgré un recul de l’activité très marqué en 2009, les entreprises allemandes n’avaient quasiment pas licencié, contrairement à ce qui s’était produit notamment en Espagne ou au Royaume Uni. Moyennant quoi, le pouvoir d’achat des salariés avait été maintenu et quand les affaires ont repris, les entreprises allemandes n’ont pas eu besoin de réembaucher et de former des salariés. S’il y a donc une leçon à retenir des succès allemands actuels, c’est d’abord que les litanies qu’on nous sert si régulièrement depuis trente ans sur la flexibilité du marché du travail sont des bêtises à oublier d’urgence…
Si l’Allemagne s’en sort bien aujourd’hui c’est aussi parce qu’elle fait exactement l’inverse de ce qu’Angela Merkel préconise au reste de l’Europe dans un autre domaine : la part des salaires dans la valeur ajoutée qui était de 55,1 % en 2007 est montée à 58,4 % cette année, selon les données de la Commission européenne. + 3,4 points en cinq ans pour les salaires aux dépens des profits, on est très loin, là encore, de l’austérité de fer prônée par la chancelière aux salariés espagnols, aux Grecs ou aux Italiens… Si l’économie de l’Allemagne d’Angela Merkel tourne, c’est parce qu’elle a rompu avec la politique menée par l’ex-chancelier Gerhard Schröder au début des années 2000, que pourtant la chancelière allemande vante partout. Pas étonnant dans ces conditions que la demande intérieure allemande tienne le choc, pendant que les pays qui suivent à la lettre les leçons de Mme Merkel s’enfoncent, eux, dans la récession : la part des salaires dans la valeur ajoutée a baissé de 5 points en Espagne et de 3 points en Grèce entre 2007 et 2012. Et du coup, ces pays ne parviennent pas non plus à rétablir leurs comptes publics…
Si on prend un peu plus de recul et que l’on compare la situation des deux pays – la France et l’Allemagne – non plus sur cinq ans mais sur vingt ans, on se rend compte d’ailleurs que les succès allemands deviennent alors très relatifs. L’Allemagne est en effet un pays qui depuis vingt ans a créé deux fois moins d’emplois que la France. Et si en termes de revenus par habitant, l’Allemagne a rattrapé son retard sur la France au cours du quinquennat de Nicolas Sarkozy, sur vingt ans, les évolutions ont été identiques. Bref, si l’Allemagne s’en sort bien actuellement c’est parce qu’elle mène en réalité une politique contraire à celle que préconise Angela Merkel aux autres Européens, alors que du temps où elle menait une stricte politique d’austérité elle s’en sortait nettement plus mal que l’économie française…
Source : Alternative économique
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