La proposition de loi socialiste visant à "lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale" a fait l'objet d'un accord le mercredi 4 juin en commission mixte paritaire (CMP, sept députés et sept sénateurs). Rebaptisé par la CMP proposition de loi visant à "lutter contre la concurrence sociale déloyale", ce texte transpose par anticipation les nouvelles normes européennes en la matière. Il vise notamment à renforcer le contrôle et les sanctions vis-à-vis des entreprises ayant recours de façon abusive aux travailleurs détachés.
Les nouvelles dispositions européennes viennent actualiser le dispositif actuel, reposant notamment sur une directive de 1996 faisant l'objet de fraudes fréquentes, prévoyant que l'essentiel des règles du pays d'accueil s'applique sans toutefois aborder la question des cotisations sociales. Selon la législation communautaire s'appliquant depuis 1971 aux travailleurs détachés, le régime de sécurité sociale du pays d'origine s'applique. "Ce faisant, le droit communautaire favorise le recours à des salariés détachés venant de pays où les cotisations sociales sont moins élevées. On pense bien évidemment aux nouveaux États membres de l’Union européenne, mais le Luxembourg est aussi concerné", explique le sénateur Eric Bocquet, auteur d'un rapport sur les recommandations de la commission des affaires européennes sur la situation des travailleurs détachés, sur le site du Sénat.
Pour lutter contre ces cas de fraude et de concurrence déloyale, l'accord européen, repris par la proposition de loi française, consiste à poser le principe de "responsabilité solidaire", visant à responsabiliser le donneur d'ordres en lui permettant de poursuivre pour fraude un sous-traitant qui aurait recours à des travailleurs détachés.
Le texte français va plus loin que le compromis européen, en choisissant d'étendre ce principe de "responsabilité solidaire" à l'ensemble des secteurs concernés par le détachement de travailleurs (BTP, mais aussi agroalimentaire, transport, etc.).
La proposition de loi introduit une liste noire sur Internet exposant, pendant deux ans et sur décision du juge, les entreprises condamnées à une amende pour "travail illégal". La CMP a ainsi validé un amendement sénatorial abolissant le seuil de 15.000 euros d'amende pour inscrire une entreprise sur la liste noire, prévu par le texte initial.
En revanche, la CMP n'a pas retenu un autre amendement adopté par le Sénat, qui visait à permettre au juge d'exiger un remboursement des aides publiques perçues par l'entreprise dans les cinq années précédant sa condamnation pour travail illégal. Afin de ne pas compromettre la survie de certaines entreprises, les parlementaires, sous l'impulsion du rapporteur socialiste Gilles Savary, ont préféré la rédaction initiale de l'Assemblée qui prévoyait l'interdiction de percevoir de nouvelles aides pendant cinq ans.
Enfin, la CMP a retenu le dispositif unique de solidarité financière introduit par le Sénat, applicable au donneur d'ordre et au maître d'ouvrage, en cas de non-paiement du salaire minimum à un salarié d'un sous-traitant, qu'il soit détaché ou non.
L'adoption définitive du texte devrait intervenir d'ici la fin du mois de juin.
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