Pour évaluer les risques d’un phytosanitaire avant sa mise sur le marché, toutes les études doivent être prises en compte. C'est ce qu'exige la réglementation européenne. Pourtant, les études indépendantes sont passées sous silence…
Une étude réalisée par l’ONG européenne Pesticides Action Network (PAN) et l’association française Générations futures montre « l’hypocrisie à l’œuvre » dans les évaluations des risques des pesticides avant leur mise sur le marché. Institutions européennes, Etats membres et industriels ignorent les travaux issus de la recherche publique et ce, malgré la réglementation européenne en place.
Les études de toxicité financées par les industriels ont longtemps été les seules utilisées pour arbitrer les conditions de la commercialisation des produits. Mais depuis 2009, le règlement européen sur les pesticides exige que toutes les études existantes soient prises en compte. Cette mesure votée par le Parlement européen cherchait à faire de la place aux travaux de la recherche publique, universitaires compris, dans l’évaluation des risques.
En réalité, rien n’a changé, selon PAN. Sans que la puissance publique s’en émeuve. Les Etats membres valident les dossiers présentés par l’industrie, même si les sources références sont incomplètes. 23% seulement des études universitaires réalisées ont ainsi été citées dans les sept demandes d’homologation analysées par l’étude de PAN et Générations futures. Et, lorsqu’elles sont mentionnées, les études publiques indépendantes ne sont jamais utilisées pour l’avis final. Le diable se cache dans les détails : la pertinence des études scientifiques est notée selon un barème établi par l’industrie elle-même.
L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), chargée de valider l’avis des Etats membres, propose depuis 2011 de hiérarchiser les études selon la classification de Klimisch. Ce barème, nommé d’après un expert du groupe chimique allemand BASF, privilégie les bonnes pratiques dictées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Issues de l’industrie chimique, « ces lignes directrices pour les tests sont rejetées par les scientifiques indépendants comme étant restrictives de leur liberté de chercher », selon les ONG. Les études universitaires qui n’utilisent pas les règles de l’OCDE se voient affecter le score de fiabilité le plus bas. Fiabilité qui ne repose en rien sur « la qualité scientifique et la fiabilité » des études, selon les propos mêmes du Commissaire européen à la santé et à la consommation en 2011, cité dans l’étude.
La démonstration des ONG ne s’arrête pas là. Selon elles, prendre en compte les études indépendantes transformerait radicalement la réglementation. Dans les études ignorées des dossiers d’homologation, les doses toxiques à ne pas dépasser sont 20, 100 et même jusqu’à 1500 fois inférieures à celles validées par les autorisations de mises sur le marché.
Cet écart s’explique par deux approches différentes : les tests de l’OCDE tiennent compte des effets toxiques aigus, mais pas des effets chroniques liés à une exposition prolongée à de faibles doses de produits toxiques.
Or, de plus en plus de scientifiques dénoncent l’inefficacité de la toxicologie classique pour les pesticides systémiques (néocotinoïdes et fipronil), qui représentent pourtant 40% des parts de marché. Ce sont notamment les conclusions du groupe de recherche sur les pesticides systémiques (Task force on systemic pesticides) qui regroupe une trentaine de scientifiques internationaux. Les chercheurs montrent en particulier que ces produits chimiques s’accumulent dans l’environnement. Cette exposition prolongée aux pesticides serait responsable du déclin massif des insectes et des oiseaux.
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