L’indexation d’une partie de la paie des dirigeants sur le cours de bourse ne garantirait pas l’alignement de leurs intérêts avec ceux des actionnaires.
Octroyer des rémunérations faramineuses aux dirigeants n'est en rien un gage de performance. A en croire une étude publiée cette semaine par MSCI, ce serait même l'inverse. Se penchant sur les rémunérations touchées par 800 patrons de quelque 429 entreprises américaines cotées entre 2006 et 2015, le fournisseur d'indices observe que les entreprises dirigées par les CEO ( l'équivalent de directeur général) les mieux payés, réalisent en moyenne de moins bonnes performances boursières que les sociétés qui accordent des gratifications plus modestes. Du pain béni pour Muddy Waters, le sulfureux bureau d'analyse toujours prompt à dénoncer les discours trompeurs des dirigeants , et qui s'est empressé de relayer l'étude sur Twitter. « Les CEO les mieux payés ont souvent une mentalité de trader », a-t-il commenté.
L'indexation de la rémunération sur le cours de bourse ne garantit pas l'alignement des intérêts
Ainsi, un investisseur qui aurait misé 100 dollars dans les 20 % d'entreprises les plus généreuses à l'égard de leur dirigeant, en aurait retiré un peu moins de 265 dollars 10 ans plus tard .... Contre 367 dollars s'il avait ciblé les 20% d'entreprises les moins prodigues*. Une analyse plus fine par secteur et taille de capitalisation conduit aux mêmes conclusions.
L'étude remet donc sérieusement en question l'idée selon laquelle l'indexation de la rémunération des dirigeants sur la performance boursière, telle qu'elle est pratiquée, garantit l'alignement de leurs intérêts avec ceux des actionnaires. Aux Etats-Unis, plus de 70 % de la rémunération totale des patrons est en effet indexée au cours de bourse, selon les calculs de MSCI. L'efficacité du dispositif est rarement mise en cause et lors des assemblées générales, la plupart des investisseurs institutionnels approuvent sans trop de difficultés les « packages » qui leur sont présentés.
Evaluer le lien entre la performance de l'entreprise et la rémunération perçue sur l'ensemble du mandat du dirigeant
Les auteurs de l'étude expliquent ce paradoxe apparent par le système de calcul retenu pour jauger les performances des entreprises. Ces dernières étant évaluées annuellement, et non sur la durée totale du mandats du CEO, elles favoriseraient les décisions court-termistes. « Pour mieux aligner les intérêts des investisseurs de long terme et ceux des dirigeants, il serait pertinent de se pencher sur certaines données de long terme, et notamment de comparer la rémunération totale des dirigeants pendant leur mandat à la performance boursière sur l'ensemble de cette période », suggèrent les analystes de MSCI. « Par ailleurs, une plus grande transparence sur les primes touchées par un dirigeant à son arrivée et au moment de son départ serait souhaitable et permettrait de mieux évaluer le poids de ces dispositifs dans la rémunération totale cumulée au cours d'un mandat ».
* L'étude de MSCI compare le rendement des capitaux propres (total shareholder return) à 10 ans - qui prend en compte la hausse des cours de bourse ainsi que les dividendes versés - et la rémunération totale cumulée par les dirigeants d'une entreprise sur la même période.
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