LOIS SUCCESSIVES PROROGEANT L’APPLICATION DE LA LOI N° 55358 DU 3 AVRIL 1955 RELATIVE À L’ÉTAT D’URGENCE
Alors que la France représente une cible particulière pour les terroristes, qu’elle est visée à cause des valeurs qu’elle porte, que des attentats l’ont frappée depuis Mohammed Merah en 2012, elle doit adapter sa législation à la menace terroriste. À la suite des attentats coordonnés ayant frappé Paris le 13 novembre 2015, l'état d'urgence sur le territoire métropolitain a été déclaré par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 relatif à la proclamation de l'état d'urgence à compter du 14 novembre à zéro heure.
L'article 1er de la loi du 3 avril 1955 modifiée instituant l'état d'urgence dispose que « l'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ».
La gravité des attentats a ensuite justifié la prolongation de l'état d'urgence pour une durée de trois mois par la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015, ses prorogations pour deux nouvelles périodes de trois mois puis deux mois par la loi n° 2016-162 du 19 février 2016 et la loi n° 2016-629 du 20 mai 2016.
Suite aux attentats de Nice, la loi du 21 juillet 2016 a prorogé l’état d’urgence pour 6 mois supplémentaires.
La loi du 19 décembre 2016 proroge l’état d’urgence jusqu’au 15 juillet 2017. Revenant au fondement juridique de la mise en œuvre de l’état d’urgence, il a fallu systématiquement se demander si les conditions de l'article 1er de la loi du 3 avril 1955 modifiée instituant l'état d'urgence (qui dispose que « l'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ») étaient remplies.
Dès lors, la menace terroriste caractérisant le péril imminent a justifié la déclaration initiale et les prorogations de l'état d'urgence. Le caractère diffus de la menace, mais également les circonstances soudaines, violentes et réitérées des différents passages à l'acte contribuent bien à l'imminence du péril.
Toutefois, l'efficacité de la protection des citoyens ne pouvant reposer à moyen terme sur le recours à ces mesures justifiées par des circonstances exceptionnelles, il faut opérer un arbitrage entre la nécessité du recours à un système d’exception, plutôt qu’au droit commun.
C’est pourquoi, la troisième prorogation de l’état d’urgence visait à assurer la transition jusqu’à l’entrée en vigueur et la publication des décrets d’applications de la loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale qui renforce les moyens dont disposent, de manière pérenne et en droit commun, les autorités judiciaires et administratives pour lutter efficacement contre le terrorisme et le crime organisé.
Gardant ces exigences à l’esprit, l’attentat commis le 14 juillet 2016 à Nice (84 morts et 286 blessés), celui qui a été commis le 13 juin 2016, au cours duquel un policier et son épouse ont été assassinés à leur domicile de Magnanville (Yvelines) et l’exécution du père Jacques Hamel dans son église sont venus attester de la permanence d’une menace à un niveau le plus élevé et de la nécessité de pouvoir disposer de mesures administratives renforcées en vue de lutter contre le terrorisme.
La possibilité de mettre en œuvre les mesures offertes par le régime de l'état d'urgence ont donc alors été jugées une nouvelle fois nécessaires après les attentats de Nice (l’avis du CE N°391834 du 18 juillet 2016 a reconnu que cette quatrième prorogation était justifiée par la persistance d’ « un péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public »).
Depuis le 14 novembre 2015, l’état d’urgence aura été prorogé cinq fois, et ce jusqu’au 15 juillet 2017. La menace terroriste, les différents passages à l’acte réalisés ou avortés grâce au travail des services de police et de renseignement, qui ont pu caractériser le péril imminent et justifier ainsi la déclaration initiale et les prorogations de l'état d'urgence, demeurent des risques réels d’un niveau très alarmant. Elle a donc nécessité, en conscience, de proroger pour une nouvelle période l’état d’urgence. L’avis du Conseil d’État du 8 décembre 2016 constate que la menace terroriste est intense, qu’elle vienne de l’intérieur ou des territoires extérieurs. Il prend note que 12 attentats ont été déjoués depuis l’attentat de Nice et relève également la coïncidence entre l’intensité de la menace terroriste et la période de la campagne électorale présidentielle et législative. Le Conseil d’État conclut donc de l’ensemble de ces éléments que le péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public est caractérisé.
En somme, dans ses avis consultatifs antérieurs, et dans celui du 8 décembre 2016 concernant la dernière prorogation, le Conseil d’État a estimé que la prorogation prévue opère une conciliation « entre la prévention des atteintes à l’ordre public et le respect des droits et libertés reconnus par la Constitution à tous ceux qui résident sur le territoire de la République et se trouve justifié par les exigences de la situation présente ». Elle est en outre compatible avec les engagements internationaux de la France et, notamment, avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
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