La suppression de la taxe d'habitation au profit de 80% des ménages les plus modestes n'occasionnerait pas de manque à gagner pour les communes et les intercommunalités, bénéficiaires chaque année des 22 milliards d'euros du produit de la taxe, a promis Emmanuel Macron.
"L'autonomie fiscale et les ressources des collectivités seront entièrement préservées : l'Etat paiera la taxe d'habitation à la place des ménages et à l'euro près", pouvait-on lire dans son programme. "Ce dégrèvement se fera sur la base des taux 2016", a-t-il précisé. En indiquant encore que "les bases seront actualisées en fonction notamment de l’évolution de la population". L'Etat consacrera à ce choc fiscal 10 milliards d'euros qui proviendront d'économies.
"Les collectivités bénéficieraient d'un remboursement à l'euro près", ont analysé les services de l'Association des maires de France (AMF), lors d'une rencontre sur les finances locales que l'association organisait le 30 mai dernier. En outre, les communes et les EPCI à fiscalité propre devraient conserver la possibilité d'augmenter leurs taux. Dans ce cas, les contribuables les plus modestes devraient s'acquitter seulement du montant de la taxe correspondant à la majoration du taux.
"L'engagement de l'Etat ne tient jamais dans le temps"
Ces modalités de mise en œuvre de la réforme voulue par l'ancien ministre de l'Economie ont tout pour rassurer les élus locaux. Pourtant, ceux-ci ne sont pas vraiment sereins. A l'image du secrétaire général de l'AMF. Philippe Laurent ne croit plus en ce type de promesse. L’engagement de compenser entièrement la suppression nette de recettes par de nouvelles dotations "ne tient jamais dans le temps", a-t-il écrit dans une tribune parue dans le quotidien Le Monde daté du 1er juin. "La première année, la compensation est totale, puis peu à peu, son montant s’effiloche et diminue, comme nous le vivons à chaque fois." Deux jours plus tôt, les services de l'AMF avaient mis en garde les élus locaux: "Rien n'empêche que […] dans quelques années, il y ait une minoration du remboursement ou de la compensation."
Si une telle menace pour les finances du bloc communal devait se concrétiser, les communes pauvres seraient les plus pénalisées. En effet, elles accueillent bien plus de 80 % de contribuables éligibles à la prise en charge par l'Etat du paiement de la taxe d'habitation, un taux défini nationalement. Autre risque mis en avant par les élus locaux : les communes faisant des efforts pour accueillir de nouveaux habitants ne seraient plus autant récompensées qu'aujourd'hui. Elles bénéficieraient des recettes supplémentaires d'un impôt dont la dynamique serait en voie d'essoufflement. Au total, en créant de nouvelles incertitudes pour les collectivités locales, l'exécutif condamnerait les chances de redémarrage de l'investissement public local.
Pour les élus, le lien fiscal se distendrait
Les élus locaux reprochent aussi à la réforme de remettre en cause le lien fiscal entre les communes et les communautés, d'une part, et les citoyens, d'autre part. En effet, une grande partie des contribuables qui ne sont pas propriétaires de leur logement ne paieraient plus d'impôt local.
Beaucoup d'interrogations techniques se posent aussi, comme l'a pointé Philippe Laurent devant la centaine d'élus locaux réunis par l'AMF le 30 mai. Par exemple, la revalorisation forfaitaire des valeurs locatives décidée annuellement par le Parlement s'appliquera-t-elle aux bases fiscales faisant l'objet d'un dégrèvement ? Autre question : que vont devenir les abattements à la base consentis aujourd'hui par les communes en matière de taxe d'habitation ?
La conférence des territoires annoncée pour le mois de juillet pourrait apporter quelques réponses. A moins que les élus locaux ne soient obligés d'attendre la présentation, fin septembre, du projet de loi de finances.
source : localtis
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