"La formule proposée n'est protectrice de rien"
Les députés PS ont opposé mardi une fin de non-recevoir au projet de loi sur les droits sur internet, dont la discussion doit démarrer mercredi à l'Assemblée nationale, estimant que "l'on ne peut accepter la formule proposée qui n'est protectrice de rien".
"Nous sommes opposés à ce mauvais texte qui oppose les artistes à leur public", a déclaré Patrick Bloche lors d'un point de presse.
Il a jugé que le texte de Christine Albanel avait "un train de retard par rapport aux usages des internautes" et "n'apportera pas un sou supplémentaire aux créateurs".
"Il faut s'inscrire dans une démarche alternative pour trouver un autre mode de rémunération", a-t-il ajouté en estimant que le texte, qui prévoit une suspension de l'accés internet pour lutter contre le piratage "ne sera jamais appliqué".
Le PS, qui fera des propositions dès mercredi, lors de l'examen du projet de loi, prendra "une grande initiative à l'automne", a-t-il dit.
Christian Paul, l'autre porte-parole du PS sur le projet de loi, a jugé pour sa part qu'il n'était qu'une "fable archaïque que l'on sert aux artistes mais qui est une illusion sécuritaire".
"Ce projet n'est ni juste ni crédible", a-t-il ajouté.
Pour François Brottes, "ce truc ne servira a rien" car "toutes les formules seront trouvées pour contourner le système".
"Solutions aussi inutiles que répressives"
Daniel Cohn-Bendit (Verts) a estimé mardi que le le projet de loi contre le piratage sur internet des oeuvres culturelles offrait "des solutions aussi inutiles que répressives" et a appelé "à la solidarité des Européens" sur le sujet.
"Le gouvernement oppose à de vrais problèmes, la rémunération et la protection des artistes, des solutions aussi inutiles que répressives", a déclaré, dans un communiqué, la tête de liste du rassemblement Europe-Ecologie en Ile-de-France pour les européennes de juin.
M. Cohn-Bendit indique également soutenir l'initiative du collectif la Quadrature du Net qui a appelé depuis plusieurs jours les internautes à draper de noir leurs sites, blogs, profils, avatars.
Ainsi, "le site Europe Ecologie et ma page facebook porteront l'initiative black-out" ce mardi, précise-t-il. "Symbolique, cette action vise à informer les internautes du caractère liberticide de ce projet de loi".
Le co-président des Verts au Parlement européen en appelle également "à la solidarité des Européens". C'est "une occasion formidable de rappeler le rôle de garante des libertés publiques qui incombe à l'Union européenne lorsqu'un Etat-membre est sur le point d'attenter aux droits individuels de ses citoyens", conclut-il.
L'Acsel, de Pierre Kosciusko-Morizet, veut un moratoire
L'association pour le commerce et les services en ligne (Acsel), présidée par Pierre Kosciusko-Morizet, a demandé mardi un "moratoire de 6 mois" sur la mesure de suspension de l'accès à internet prévue par le texte contre le piratage en ligne, bientôt examiné par les députés.
Le texte de loi, qui doit être débattu mercredi, "date un peu et n'est pas tellement adapté", a estimé M. Kosciusko-Morizet, pdg de Price.minister.com et frère de la secrétaire d'Etat au Développement de l'économie numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet.
Interrogé par l'AFP, il a déclaré qu'il n'avait "pas parlé avec sa soeur" de ce sujet. "Je représente l'Acsel, pas ma soeur", a-t-il souligné.
L'Acsel-Association de l'économie numérique regroupe quelque 180 entreprises et organismes, avec "pour ambition de réfléchir à l'impact des technologies émergentes dans le développement de l'économie et les évolutions des usages et des comportements". Les opérateurs mobiles en sont membres.
Le texte de loi est "une réponse inadaptée pour lutter contre le piratage" car il ne "fait pas disparaître la charge financière du piratage mais la déplace de l'industrie du disque vers les fournisseurs d'accès", estime l'Acsel dans un communiqué.
"Alors qu'internet devient de plus en plus une solution du quotidien pour les Français pour faire face aux effets de la crise, il est préférable de ne pas pénaliser tout un foyer", avec une suspension de l'accès internet, ajoute l'Acsel.
"Pour toutes ces raisons, l'Acsel demande un moratoire de six mois sur l'instauration d'une riposte graduée, pour que l'ensemble de la filière de l'Economie numérique, incluant par exemple les associations de consommateurs et d'utilisateurs, travaille à une proposition, notamment lors d'États Généraux, à organiser dès que possible", ajoute-t-elle.
"Bourbier juridique" en vue, selon l'UFC-Que Choisir
L'association de consommateurs UFC-Que Choisir est montée au créneau mardi pour fustiger le projet de loi contre le piratage sur internet des oeuvres culturelles qui va créer selon elle "un bourbier juridique".
Le texte, qui devrait être examiné mercredi par les députés, vise à dissuader l'internaute de télécharger illégalement des contenus (musique, films, cinéma), d'abord en lui envoyant des avertissements par courriel puis en suspendant son accès à internet en cas de récidives. Cette sanction sera prononcée par une haute autorité administrative créée par la loi.
Le gouvernement crée un "monstre juridique", a affirmé Alain Bazot, président de l'UFC-Que Choisir, à l'occasion d'une conférence de presse. "Dans ce processus, c'est au consommateur de faire la preuve de son innocence et cette possibilité ne lui est offerte qu'en bout de course", estime l'association qui avait déjà combattu le texte lors de son adoption par le Sénat fin octobre.
L'UFC-Que Choisir a fait constater par un huissier qu'il était "très facile" d'usurper l'adresse IP (liée à l'ordinateur) de quelqu'un à partir d'une connection wifi et de télécharger illégalement des fichiers, à l'insu de l'abonné, a indiqué M. Bazot.
"Il y aura des recours massifs de consommateurs auprès des tribunaux et l'UFC-Que Choisir les aidera", a prévenu M. Bazot.
Pour l'association, le projet de loi est de toute façon déjà "obsolète". Le gouvernement érige une "ligne Maginot inadaptée aux enjeux" de la révolution numérique, a considéré M. Bazot.
Le mécanisme de riposte graduée s'appuie sur "des rouages techniques totalement dépassés", selon lui. "La majorité des logiciels de téléchargement disponibles sont en mesure de rendre l'internaute totalement invisible sur la toile" par le cryptage, affirme l'UFC-Que Choisir.
L'association combat l'idée d'une crise de l'industrie de la musique, qui est invoquée pour justifier ce projet de loi. "Seule la vente de supports souffre", ajoute l'association qui estime que le CD est une "technologie obsolète". "L'industrie du cinéma n'est pas plus affectée", selon elle.
L'UFC-Que Choisir propose de rémunérer les ayants droit par la création d'une "licence globale" (un abonnement forfaitaire donnant accès à l'ensemble des contenus) permettant aux consommateurs d'avoir accès à la culture à un "tarif raisonnable" (2 à 7 euros par mois, par exemple).
Video à la demande: l'offre légale est déjà développée, selon les éditeurs
Les éditeurs de services de Vidéo à la Demande (VoD) affirment mardi dans un communiqué commun qu'il existe "un grand nombre" d'offres légales de VoD disponibles pour les internautes et que cela "ne cesse d'augmenter".
Réagissant aux arguments avancés par les adversaires du projet de loi contre le piratage en ligne pointant notamment l'insuffisance d'offre légale de contenus, le syndicat des éditeurs de VoD "tient à rappeler qu'il existe un grand nombre d'offres disponibles portant sur tous les genres, cinématographiques comme audiovisuels".
"Les internautes peuvent avoir accès à toutes les oeuvres qu'elles soient récentes ou de catalogue, dès lors que les ayants droit, auteurs et producteurs en autorisent la mise en ligne, dans les délais légaux", assure le syndicat.
Le syndicat évoque également le site Total VoD, qui référence ces offres, ainsi que la télévision de rattrapage.
Selon les éditeurs, "l'offre légale existe" et "ne cesse d'augmenter", mais son équilibre économique dépend "de la mise en oeuvre de moyens visant à restreindre les usages illégaux et la contrefaçon qui lui font une concurrence déloyale".
Ce syndicat réunit notamment Canal Play, TF1 Vidéo, France Télévisons Interactive, Arte France, Glowria, Filmo TV, Univers Ciné, MK2 Vidéo, INA, M6 VoD, Vodéo, Iminéo et Virgin. Certains d'entre eux ont des partenariats avec Darty, Fnac, Carrefour, Allociné, Numéricâble, Free, Neuf et Orange, qui proposent des offres légales.
Jack Lang apporte son soutien au projet de loi
L'ancien ministre PS de la Culture, Jack Lang, a apporté mardi son soutien au projet de loi antipiratage sur internet qui doit être soumis à l'examen des députés dans les jours à venir, une démarche aussitôt saluée par l'UMP.
Dans un communiqué, Jack Lang a fait part de son "souhait" que les "députés socialistes puissent approuver le texte de loi". "Je ne doute pas, a-t-il poursuivi, que Martine Aubry, première secrétaire du Parti socialiste, qui mène dans sa ville de Lille une politique de grande qualité en faveur des arts, soit particulièrement attentive à la préservation d'une vie culturelle riche, autonome et intense".
Il a rappelé en outre que les sénateurs socialistes ont déjà approuvé le projet de loi.
Sur ce sujet, comme lors de la discussion au Parlement de la loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (Dadvsi) d'août 2006,les socialistes sont divisés.
Lundi, le député PS Patrick Bloche a vilipendé le ministère de la Culture en l'accusant de se livrer à "une campagne de lobbying gouvernemental en direction des parlementaires".
"Que l'on ne s'y trompe pas, Madame (Christine) Albanel ne rend pas service aux artistes en leur faisant croire, comme il y a trois ans avec (la loi) Dadvsi, que sa loi stoppera mécaniquement le téléchargement", a ajouté l'orateur du groupe PS sur le texte internet.
Le soutien de M. Lang a été salué mardi par le porte-parole de l'UMP.
afp
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