« Nicolas Sarkozy veut donc redonner, en 2010, "un sens au beau mot de fraternité". En reprenant le concept fétiche de Ségolène Royal, le chef de l'Etat avait sans doute en tête, en adressant ses voeux aux Français le 31 décembre 2009, l'agenda social, à la fois copieux et à hauts risques, de 2010. Le 15 janvier, il recevra les organisations syndicales et patronales pour fixer le calendrier et éclairer ses intentions. Un exercice de pure forme ? A ce stade, M. Sarkozy semble avancer prudemment.
Même si la reprise attendue cette année est plus forte que prévu, l'ambition annoncée de "faire reculer le chômage et l'exclusion", aussi légitime soit-elle, pourrait bien se révéler chimérique. La progression du nombre de demandeurs d'emploi n'est pas en voie de s'arrêter. Le taux de chômage risque d'approcher les 10 % de la population active. La précarité, l'exclusion, et même la pauvreté ne régresseront pas, loin s'en faut. Le volontarisme et l'intention de redonner "un sens au beau mot de fraternité" ne suffiront pas à faire reculer des inégalités qui se creusaient avant même le début de la crise.
Alarme sociale donc. Le chef de l'Etat en semble conscient. Il est primordial pour lui, dans un contexte politique tendu avec, en mars, les élections régionales, de regagner la confiance de partenaires sociaux auxquels il a rendu, le 31 décembre, un "hommage particulier" pour avoir "fait preuve d'un grand sens des responsabilités". En d'autres termes, il lui faut éviter de connaître en 2010 la crise sociale qu'il redoutait en 2009, et à laquelle il a échappé.
Depuis la loi Fillon de 2003, qui a augmenté, y compris pour les fonctionnaires, le nombre d'années de cotisations requis pour une retraite à taux plein, un rendez-vous sur ce sujet est prévu en 2010. Problème : le financement de la réforme Fillon était fondé sur un retour au plein-emploi, qui n'est plus à l'horizon. Bernard Thibault a prévenu que "l'avenir des retraites sera au coeur de l'affrontement social en 2010". Le secrétaire général de la CGT y voit "le marqueur de la volonté de résistance des salariés". Favorable à un Grenelle des retraites, François Chérèque réclame une approche "globale". Le secrétaire général de la CFDT sera un partenaire beaucoup plus exigeant qu'en 2003. Là encore, M. Sarkozy se veut prudent, parlant de "consolider notre système de retraites", et non de le remettre à plat, et d'"assurer (sa) pérennité financière". Pour mener une réforme qui touche au coeur du pacte social, il devra montrer que le dialogue n'est pas, à ses yeux, une clause de style. »
Relire cet édito, du 2.01.10, du journal « lemonde.fr », dans son contexte
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