De tous les échecs et les manquements de sa présidence, celui que les Français pardonnent le moins à Nicolas Sarkozy est d’avoir abimé la République, de l’avoir entrainée dans un populisme sans principes qui parle aussi haut qu’il tire la société vers le bas.
A force de piétiner ses valeurs, d’opposer les uns aux autres, de diviser la communauté nationale, à force de chercher des boucs émissaires à tous ses échecs, à force de gérer les problèmes par la tension, la brutalité et la gesticulation, M. Sarkozy est en train de façonner la République à son image : une République dure, une République sans âme, une République désolidarisée.
Tout ce qu’il fait depuis trois ans, tout ce qu’il projette de faire jusqu’à la fin de son mandat est frappé de ce sceau : la «désolidarisation». A la conception républicaine d’une communauté de destin égale en droit et en devoirs, la droite sarkozyenne a substitué la conception d’une société, figée dans ses inégalités et ses privilèges, où la mobilité sociale est devenue un parcours du combattant de plus en dépendant de l’origine sociale ou géographique. C’est le triomphe de la nouvelle aristocratie du Fouquet’s et des intérêts croisés entre argent et pouvoir. Les élites dirigeantes ne se tiennent plus comptables d’un quelconque devoir d’exemplarité ou de solidarité.
Cette conception a déchiré tout le Contrat social. On le voit dans l’assimilation de la protection sociale à de l’assistanat, dans l’érosion des dispositifs de mixité sociale (carte scolaire, loi SRU…), dans la réforme des retraites. Ce n’est plus la Nation tout entière que l’on mobilise pour sauver le système par répartition. C’est aux seuls salariés de payer et de travailler plus longtemps pour assurer leurs vieux jours.
L’austérité est une autre facette de cet Etat inégalitaire. Depuis des années, les classes populaires et les classes moyennes doivent se serrer la ceinture et assumer les privilèges fiscaux des élites fortunées. Et maintenant que la bulle financière a explosé, que l’Etat a du s’endetter pour éponger ses cadeaux fiscaux massifs qui vident les caisses publiques et freinent la croissance, il présente une seconde fois la note sous la forme de 10 milliards d’impôts supplémentaires dont les fortunés continueront d’être exemptés, et des déremboursements massifs qui rendent l’accès aux soins des plus pauvres plus aléatoire.
Ce que l’on sait moins, et les dirigeants de l’UMP font tout pour le cacher, est que cette désolidarisation est l’une des causes majeures de la montée de la violence et de l’insécurité. Quand des quartiers entiers sont livrés à eux-mêmes, quand des régions voient leurs effectifs de police fondre, quand des dirigeants donnent l’exemple de la cupidité et de l’incivisme, il ne faut pas s’étonner que la société soit contaminée par l’esprit du chacun pour soi.
La sécurité est un droit fondamental de la République qui doit être défendue sans complaisance et sans excuse. Ce n’est pas la gauche qui le bafoue. C’est la désertion de l’Etat là où il devrait être continûment. C’est son incapacité à fédérer la Nation autour des principes d’une politique de sécurité qui concilie la fermeté et l’Etat de droit. C’est la stratégie du bouc émissaire qui fait comprendre que l’on n’aura pas une égalité de traitement selon son origine ou sa place.
Cette «désolidarisation» a trouvé son apogée avec la scandaleuse expulsion collective des Roms et le projet de déchéance de nationalité. Nous n’accepterons jamais que la loi ouvre la porte d’une classification des Français en fonction de leurs origines en violation complète de l’article 1 de la Constitution. Y toucher, c’est nier le principe le plus sacré qui nous a érigés en Nation : l’égalité.
Cette République abîmée n’est pas celle des Français. Là où à d’autres époques, la conjugaison de la crise et de cette «désolidarisation» aurait conduit à mettre à bas la République, nos compatriotes veulent au contraire se réapproprier ses fondamentaux. Ils le disent dans les sondages ou dans leurs votes en faveur de la gauche. Ils l’expriment dans le grand mouvement populaire qui défend notre système solidaire des retraites.
Toutes nos propositions, tous nos amendements, tout notre travail parlementaire répondent à cette attente.
Remettre la République à l’endroit.
Refonder son mode d’organisation.
Actualiser ses valeurs et son contrat social.
« Chacun pour tous, tous pour chacun », ces mots simples qui forment le sens de nos journées parlementaire ne sont rien d’autre qu’une rupture morale avec la société de l’indécence qui nous enserre depuis trop longtemps.
Jean-Marc Ayrault
Président du groupe Socialiste, Radical et Citoyen
Introduction au rapport d’activités des journées parlementaires 2010
Commentaires