"L'exercice, il est vrai, n'était pas aisé. C'était même, pour parler bref, la quadrature du cercle. Alors même que "l'anti-sarkozysme" s'est ancré, au sens propre du terme, dans la société française, Nicolas Sarkozy, mardi 16 novembre au soir, sur trois chaînes de télévision, devait relever plusieurs défis en même temps pour reprendre en main un destin politique qui semble lui échapper.
Au plus bas dans les sondages, Nicolas Sarkozy se devait d'apparaître crédible pour remonter la pente. Donné battu pour la prochaine élection présidentielle, dans certaines enquêtes, le président de la République devait montrer qu'il ne se laisse pas abattre. Ne figurant plus toujours comme le meilleur candidat de la droite pour 2012, il se devait de montrer qu'il est incontestable. Auteur d'un remaniement gouvernemental qui a, tout à la fois, mis un terme à l'ouverture, mis sur la touche les centristes et mis le paquet sur la mouvance néo gaulliste de l'UMP, le chef de l'Etat devait démontrer que les commentateurs se trompent et que, de toute façon, ces "fausses" constatations n'intéressent pas les Français.
Force est de constater que sur tous ces aspects, la prestation de Nicolas Sarkozy n'a pas été foudroyante. Sa force de conviction, qui est un paramètre dominant de sa personnalité, tournait au ralenti. Ou alors, elle avait perdu de sa puissance. Il voulait jouer un personnage qu'il n'est pas sans doute pour faire croire que "le nouveau Sarkozy" est arrivé. Mais c'est comme le Beaujolais, ça revient tous les ans !
On a donc mis l'hyperactivité de côté pour se montrer patelin. En forçant même parfois le trait ce qui ne faisait rien gagner à la prestation. On a aligné des chiffres et des taux, au risque d'être approximatif, voire quelque fois inexact. Certaines démonstrations, comme la délocalisation des fortunes en Allemagne, avaient un petit côté surréaliste qui donnaient une note exotique à l'ensemble.
Mais au-delà de la forme qui constitue rarement le corps d'une politique, c'est le fond qui, au final, retient l'attention. Sur ce point, l'entretien télévisé de Nicolas Sarkozy donne une étrange impression.
D'abord, il y a le déni. Alors qu'il a lui-même voulu donner un coup de turbo à la politique sécuritaire, cet été, en stigmatisant une fraction de la population, les Roms, il assure la main sur le coeur qu'on lui prête des mots et des intentions qu'il n'a jamais eus. Sur ce sujet, comme sur d'autres, Nicolas Sarkozy n'a pas de mémoire. Ou il feint de ne pas en avoir.
Ensuite, il y a le fossé entre les paroles et les actes. L'exemple le plus frappant est sans doute l'écologie. Après avoir lui avoir donné un ministère d'Etat pendant plus de la moitié de son quinquennat, le président a considéré qu'on en faisait trop pour les écologistes, il s'est séparé de Jean-Louis Borloo, maître d'œuvre du Grenelle de l'environnement, le développement durable, privé de l'énergie, a été rétrogradé au sein du gouvernement. Le même constat pourrait être dressé pour la politique de la ville, hissée au rang de ministère dans la nouvelle équipe, pour faire passer la pilule.
Enfin, il y a la défense de cet "intérêt général" qui tourne en boucle dans la réthorique présidentielle comme pour mieux masquer la réaffirmation d'une politique de défenses d'intérêts particuliers. Les jeunes et les chômeurs, absents du discours élyséen, ne faisaient pas partie, mardi soir, de la défense de l'intérêt national. En revanche, les bénéficiaires du bouclier fiscal et les contribuables redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) y étaient de plain-pied. Il est périlleux, après cela, d'avancer qu'on s'affranchit des idéologies."
A lire dans son intégralité et son contexte (lemonde.fr/olivier biffaud)
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