En matière de lutte contre l'effet de serre, le gouvernement vient d'opérer un remarquable freinage. Le crédit d'impôt au titre des équipements en faveur du développement durable et des économies d'énergie a souffert d'une baisse de 10 % en ce début d'année. Et il est prévu que les tarifs d'achat de l'électricité photovoltaïque baissent eux-aussi. Serait-ce parce que la popularité de ces mesures rend maintenant inutile un soutien trop important ? Et qu'en ces temps de rigueur budgétaire et de craintes autour de l'euro, le crédit d'impôt au développement durable est un bon candidat au coup de rabot ?
Il est nécessaire de s'assurer au préalable que le soutien des pouvoirs publics tel que prévu dans le Grenelle de l'environnement permet bien d'atteindre le "facteur 4" (division par 4 des émissions de gaz à effet de serre ou GES) à l'horizon 2050. Et qu'une édulcoration – même temporaire – des mesures de soutien sera sans conséquence. Rappelons tout d'abord que les bâtiments sont à l'origine de 46 % de la consommation énergétique totale et de 23 % des émissions de CO2 (Atlas 2008 de l'habitat privé, Agence nationale de l'habitat, 2008). Pour atteindre l'objectif "facteur 4", il est donc particulièrement judicieux de réduire la consommation d'énergie dans ce secteur.
Or une étude réalisée par des chercheurs du laboratoire Irege de l'Université de Savoie, obtient des conclusions alarmantes sur ce sujet. Elle montre d'une part que les politiques mises en place actuellement sont efficaces mais pas suffisantes pour parvenir au "facteur 4". D'autre part, les acteurs de l'offre d'investissements économiseurs d'énergie – fabricants et distributeurs de matériaux d'isolation, de panneaux solaires ou de pompes à chaleur – perçoivent l'instabilité des aides publiques comme un frein majeur pour leur développement. Ces derniers auront donc sans doute apprécié à sa juste valeur le coup de rabot sur les aides.
Les résultats concernant les émissions à l'horizon 2050 pour la France sont obtenus à partir de la simulation d'un modèle fondé sur la consommation d'énergie estimée d'un ensemble représentatif de résidences principales. Les consommations énergétiques ne sont pas uniquement déterminées par des facteurs physiques ou thermiques mais aussi par des variables socio-économiques. Il en résulte qu'avec les mesures existantes, on atteindra une consommation moyenne en 2050 trois fois supérieure à celle nécessaire pour atteindre le "facteur 4". En fait, ces mesures, même poussées à l'extrême, ne permettraient pas d'atteindre l'objectif. Et ces résultats se confirment même en accélérant le taux de renouvellement du parc de logements.
UN MOTEUR DE CROISSANCE
Dans cette étude, les facteurs favorisant l'offre ont été appréhendés en adoptant une démarche qualitative basée en Rhônes-Alpes sur une série d'entretiens auprès de plusieurs dizaines d'intervenants du secteur du bâtiment concernés par la problématique. Il en ressort que pour que soient réalisées des économies d'échelle permettant l'émergence d'une concurrence et des baisses de prix, l'offre doit atteindre un seuil critique. Et que cela ne sera possible que si les fabricants font suffisamment confiance à la demande future, donc aux aides futures.
Que faire alors, puisque les mesures actuelles ne sont pas suffisantes et que leur instabilité nuit à leur large développement et donc à leur démocratisation ? Favoriser, par le soutien public, une recherche et développement active portant sur de nouveaux équipements économiseurs d'énergie. C'est-à-dire faire de cette politique un vrai moteur de croissance : en stimulant l'innovation, la relance verte comporte bien une dimension de croissance de long terme. Ce qui pourrait même finalement contribuer à résoudre les problèmes budgétaires actuels. Mais dans l'immédiat, il est crucial de couler les mesures existantes dans le béton et d'éviter tout coup de rabot.
Source : Le Monde
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