Sous prétexte de présenter une réforme équilibrée, le gouvernement se le livre à une opération d'enfumage. Derrière les hésitations de la majorité se prépare un formidable cadeau fiscal pour les plus aisés des Français, alors que le déficit public atteint 7,7% du PIB.
François Fillon a fait jeudi une apparition quasi fantomatique à Bercy. En ouverture du colloque le Premier ministre a livré un discours soporifique d'où il ressortait que la droite allait effectivement supprimer le bouclier fiscal. Puis il a fixé les bornes d'une réforme de l'ISF qui serait nécessaire, selon lui, pour que la majorité ne se renie pas. Apparemment, Fillon ne connait pas le dicton latin: "errare humanum est, perseverare diabolicum". Passons.
Au colloque, deux projets de refonte de l'ISF se profilaient. Le premier est assez radical. Il s'agirait de taxer non pas le capital détenu, mais les plus-value, réelles ou latentes, que ce capital (au delà d'un seuil de 1,3 million d'euros) génère. Cette réforme traumatise les parlementaires de l'UMP. Le sénateur Philippe Marini la qualifie de "déraisonnable", car calculer et déclarer des plus-values, surtout "latentes" serait anxiogène pour les contribuables. Comme les élections se profilent, il y a peu de chance qu'elle soit adoptée. Elle aurait néanmoins la préférence de Sarkozy (et de Christine Lagarde) qui aurait fait comprendre à ses visiteurs qu'il tient symboliquement à pouvoir changer le nom de l'ISF, donc qu'il faut changer l'assiette de l'impôt. Un détail qu'il faut avoir à l'esprit: l'impôt sur les plus-values latentes serait en fait un à-valoir sur l'impôt sur le revenu. Ce que le contribuable verse au fisc une année, serait déduit plus tard de son impôt lorsqu'il réalise la plus-value.
Mais le scénario qui a la préférence des élus de droite, et de François Baroin, consiste à aménager l'ISF actuel par deux mécanismes: un seuil relevé de 780.000 euros à 1,3 millions (300.000 contribuables seraient donc exonérés. Il ne payaient au maximum que 900 euros d'ISF, mais ce sont de bons électeurs). Mais le vrai cadeau est à venir. et est expliqué dans un communiqué de nos amis du SNUI:
"La piste qui semble sérieusement envisagée, consisterait à établir un ISF applicable lorsque le patrimoine net imposable dépasse 1 300 000 euros, comportant à deux tranches, la première allant de 0 à 3 millions d’euros (avec un taux d’imposition de 0,25 %) et la seconde au-delà de 3 millions d’euros (avec un taux d’imposition de 0,5 %).
Ce nouvel ISF se traduirait concrètement ainsi :
- Un redevable disposant d’un patrimoine net imposable à l’ISF de 3 millions d’euros paie aujourd’hui 16 555 euros. Avec une telle réforme, il paierait demain 7 500 euros.
- Un redevable disposant d’un patrimoine net imposable à l’ISF de 10 millions d’euros paie aujourd’hui 112 250 euros d’ISF. Il paierait demain 42 500 euros.
- Un redevable disposant d’un patrimoine net imposable à l’ISF de 100 millions d’euros paie aujourd’hui 1 722 065 euros d’ISF (soit un taux effectif d’imposition de 1,7 %). Il paierait demain 492 500 euros.
- Un redevable disposant d’un patrimoine net imposable à l’ISF de 500 millions d’euros paie aujourd’hui 8 922 065 d’euros d’ISF (taux effectif d’imposition de 1,72 %). Il paierait demain 2 492 500 euros.
Le nouvel impôt rapporterait 2,5 milliards d’euros au lieu de 4 milliards d’euros aujourd’hui."
Les lecteurs qui se souviennent des recherche de la presse et de Marianne en particulier sur l'impôt de Liliane Bettencourt, la conclusion est évident, la vieille dame, dont le taux d'imposition globale n'était que de 20%, soit celui d'un couple de cadre supérieur), ne verra sans doute pas son chèque au fisc augmenter l'année prochaine.
Merci encore au Snui de faire un véritable travail citoyen.
Pour trouver la somme restante, soit 1,5 milliard, Bercy va chercher tous les artifices. Evidemment le gouvernement décomptera les 800 millions d'euros que coûte actuellement le bouclier fiscal, et sans doute quelques recettes de poches sur les transmissions anticipée d'héritage. Mais comme dit un député: "700 millions ça se trouve..;" Déjà Jérôme Chartier dans le JDD propose de ne financer la réforme (lui préfère la première version) qu'au deux tiers par un relèvement de la fiscalité du patrimoine et de compter pour le reste sur "la croissance". Il oublie un peu vite que la seule chose dont on est certain qu'elle croisse cette année, c'est la dette publique. déjà à 83,5% du PIB et donc à 90% l'an prochain, puisque le déficit prévu cette année est de 7,7%.
On retiendra qu'en 2011, la priorité absolue de la droite est de chercher le moyen de réduire l'impôt des plus riches...
A lire dans son contexte et son intégralité (marianne2.fr/Hervé Nathan/Antibobards)
Commentaires