La réforme de l'ISF « coûtera 1,8 milliard, soit le double du bouclier, et favorisera moins de 2 % des contribuables, les détenteurs de gros patrimoines », estime le président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale.
Quelle va être l'attitude du PS au cours du débat sur la réforme de l'ISF ?
Musclée. Jusqu'au bout de son quinquennat, Nicolas Sarkozy aura servi ses clientèles fortunées. Il a commencé par la faute originelle du « paquet fiscal », 50 milliards dilapidés (sur le quinquennat, NDLR), il termine par la quasi-disparition de l'ISF. La boucle est bouclée. Nicolas Sarkozy a beau faire : il reste et restera le président des riches. La réforme qu'il nous propose, c'est deux boucliers fiscaux pour le prix d'un. Elle coûtera 1,8 milliard, soit le double de l'actuel bouclier, et favorisera moins de 2 % des contribuables, les détenteurs de gros patrimoines. En outre, cette réduction va s'appliquer immédiatement alors que le bouclier continuera de produire ses effets jusqu'en 2013. La roue de la fortune a toujours tourné dans le même sens au cours de cette législature. C'est d'autant plus choquant que des efforts sont demandés pour réduire un déficit considérable.
Vous dites cela, mais certains à gauche jugeaient nécessaire de réformer l'ISF avant les annonces de l'exécutif ...
Il faut un impôt sur le patrimoine en France. On nous parle d'archaïsme, mais le patrimoine est souvent plus taxé à l'étranger. Si on appliquait la même taxation sur les biens immobiliers qu'aux Etats-Unis ou en Angleterre, la somme de l'ISF et des taxes foncières ne s'élèverait pas à 19 milliards comme aujourd'hui mais à 25 milliards ! Alors, qu'on ne nous fasse pas croire que l'ISF est confiscatoire. Et puis, on parle beaucoup de l'exonération des patrimoines en dessous de 1,3 million d'euros, mais les plus avantagés par la réforme, ce sont les patrimoines les plus importants, qui voient leur taux d'ISF divisé par trois.
La gauche, si elle gagne en 2012, rétablira-t-elle l'ISF à l'identique ?
Nous engagerons un chantier fiscal beaucoup plus large, à la différence de cette réforme, qui ressemble plus à du bricolage avant élection. Avec un objectif : que la fiscalité sur le capital soit la même que celle pesant sur le travail. La France qui se lève tôt et travaille dur est aujourd'hui plus imposée que celle qui détient le patrimoine. La rente est avantagée. Le parti de l'impôt, c'est l'UMP qui transfère depuis dix ans la charge des plus fortunés sur les classes moyennes et les classes populaires. Notre projet de réforme remet la justice à l'endroit et avantage l'investissement productif.
Soutiendrez-vous l'amendement UMP qui intègre les œuvres d'art dans l'assiette de l'ISF ?
L'Assemblée nationale doit avoir un débat transparent sur cette question légitime. Je sais qu'il y a des craintes sur le soutien à la création artistique, mais je sais aussi que des grandes fortunes échappent à l'ISF par ce biais. Cela, on ne peut pas l'ignorer. Après, il faut rechercher quelle peut être la meilleure solution pour y remédier, sachant qu'il ne serait pas simple d'évaluer et de contrôler les œuvres d'art. On pourrait opter pour une taxation plus forte des plus-values sur les ventes d'objet d'art. Le débat ne doit pas se focaliser uniquement sur ce sujet : l'amendement Le Fur ne doit pas constituer un rideau de fumée masquant la réalité de cette réforme de l'ISF. Nous allons démontrer que le gouvernement, s'il abandonne le boulet du bouclier, ne renonce à rien sur le fond. Les 1.900 ménages qui ont des patrimoines supérieurs à 17 millions vont voir leur ISF réduit en moyenne de 370.000 euros.
Une partie de la majorité propose de taxer plus les hauts revenus...
Qu'ils le fassent vraiment ! L'instauration de cette tranche supplémentaire évoquée par les députés UMP est sans cesse repoussée, et elle va à nouveau être renvoyée à de plus amples études...
Vous allez défendre jeudi une résolution sur la taxation des transactions financières. A-t-elle des chances de se matérialiser ?
Oui, si les gouvernements s'engagent, comme l'a déjà fait le Parlement européen. Et nous allons les pousser à le faire avec le SPD, notre homologue allemand. Nous avons travaillé en commun depuis plusieurs semaines à ce projet de résolution pour une taxation de 0,05 % sur les transactions financières, qui, si elle est approuvée par l'Assemblée nationale jeudi, imposera une obligation d'agir au gouvernement. Le même jour, le Bundestag débattra de la même résolution à Berlin.
Source : Les Echos
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