La tuerie d'Oslo cristallise les discordances à la tête du Front national. Embarrassé par l'impact politique de cette affaire, sa présidente, en course pour 2012, s'est exprimée a minima sur les propos, gênants, de Jean-Marie Le Pen.
Après quinze jours de repos dans le fief paternel breton de La Trinité-sur-Mer, Marine Le Pen renoue avec la réalité politique sinon idéologique... de son propre parti. Le drame norvégien avait certes généré quelques scories au Front, comme la suspension de Jacques Coutela, candidat aux dernières cantonales. Celui-ci avait laissé sur son blog un post qualifiant le tueur d' « icône » ou de « premier défenseur de l'Occident ». Alors que Marine Le Pen, présentant sa compassion au peuple norvégien, s'était évertuée à ce qu'aucun amalgame ne vienne mettre en péril l'image du FN, son président d'honneur, Jean-Marie Le Pen, infirme à sa manière les déclarations univoques de sa fille. Vendredi, dans son journal de bord hebdomadaire, il évoque la tuerie d'Anders Behring Breivik comme un simple « accident », qualifiant de « plus grave » encore « la naïveté et l'inaction du gouvernement norvégien ». Le pays n'a, selon lui, « pas pris la mesure du danger mondial que représente d'abord l'immigration massive, qui est la cause principale, semble-t-il, dans l'esprit de ce fou meurtrier ».
Un double discours symptomatique des clivages internes d'un parti en plein lifting. Après l'indignation du MRAP, association antiraciste, le porte-parole du PS, Benoît Hamon, a invité Marine Le Pen « à prendre ses responsabilités ». Martine Aubry, candidate à la primaire, n'a également pas manqué de condamner hier les « paroles injustifiables » du leader frontiste qui, selon elle, révèlent « la gigantesque opération de manipulation baptisée "dédiabolisation" à laquelle se livre le FN depuis plusieurs mois ».
« Martine Aubry a mis les pieds dans la gamelle, avec des propos minables », commente aux « Echos » Jean-Marie Le Pen, affirmant n'avoir pas justifié ce « fait criminel de grande dimension perpétré par un homme probablement fou ». « On m'a fait le coup du détail pendant vingt-cinq ans, et là, ça recommence », s'agace-t-il. A l'UMP, la déléguée générale adjointe Valérie Rosso-Debord a jugé que « le terreau du FN est toujours la haine ». Quasi silence radio, surtout, du côté de Marine Le Pen et de ses lieutenants, qui a finalement dénoncé hier soir « la récupération politicienne » de ses adversaires. Surtout ne pas embrayer sur une polémique susceptible d'écorner une respectabilité en marche. Et un parti qui, malgré des sondages récents moins étincelants, peut s'imaginer une présidentielle prometteuse.
« Marine est une femme politique, je suis un homme politique, je n'ai pas à demander si elle partage la responsabilité de mes propos. Marine a déjà réagi. Pourquoi devrait-elle le faire à nouveau ? » Esquive le père. Mais cette rhétorique parfois incontrôlable -dont aurait à justifier la présidente du FN - pourrait, durant la campagne, mettre à mal les bénéfices d'une dédiabolisation auprès d'un nouvel électorat. Le parti redoute les effets secondaires d'une mise en cause des populismes européens. « Beaucoup de gens jouent avec le feu [...] c'est un climat qui génère une volonté de passer à l'action », a d'ailleurs récemment estimé le politologue Jean-Yves Camus, pour qui les mots de Le Pen père ne sont pas pour autant un « dérapage ». L'université du FN, le 11 septembre, tournera sans doute la page norvégienne d'un parti qui veut à tout prix exhiber sa bonne volonté de se délester de ses mauvaises pensées.
Source : Les échos
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