Le Premier ministre assure que les suppressions de postes de fonctionnaires depuis 2008 représentent une économie de 225 milliards d’euros “sur le long terme”, soit 15 % de la dette française. Un calcul pour le moins acrobatique.
Crise de la dette oblige, le Premier ministre multiplie les déclarations sur les restrictions budgétaires déjà effectuées par son gouvernement depuis 2007. En n’hésitant pas à largement surévaluer leurs effets. Le 24 août, à l’occasion de la présentation du plan de rigueur pour les années 2011 et 2012, François Fillon a affirmé que la Révision générale des politiques publiques, la fameuse RGPP, avait dégagé pas moins de 15 milliards d’euros d’économies. Sans préciser que ce chiffre correspond à l’addition des gains attendus entre 2009 et 2013, soit un engagement incluant 2012 et 2013, deux années dont la réalité budgétaire est plus qu’incertaine et qui sont censées supporter plus de la moitié de l’effort (8 milliards d’euros). Le gouvernement estime en effet à 7 milliards d’euros l’économie liée à la RGPP entre 2009 et 2011.
François Fillon a aussi omis de rappeler que ces 15 milliards d’euros constituent une économie “brute”. C’est-à-dire avant le reversement aux fonctionnaires de l’État de la moitié des économies dégagées grâce aux suppressions de postes, en conformité avec la promesse de Nicolas Sarkozy. Pour mémoire, ces “coups de pouce” salariaux ont représenté au bas mot 500 millions d’euros en 2009 et 2010, soit une dépense qui, si elle perdurait, atteindrait 2,5 milliards d’euros en cinq ans et qu’il faudrait retrancher des 15 milliards pour obtenir l’économie “nette”.
Plus largement, le détail des gains annoncés demeure extrêmement flou. Les parlementaires qui se sont penchés sur le bilan financier de la RGPP se plaignent d’une absence de transparence. Le sénateur UMP Dominique de Legge, auteur d’un volumineux rapport sur le sujet, critique le “caractère laconique et partiel du chiffrage” et déplore le peu d’éléments dont il dispose pour “apprécier objectivement les gains réalisés grâce à la RGPP”.
Le 12 septembre, lors de son intervention au Centre d’analyse stratégique, le Premier ministre a de nouveau pêché par optimisme. Il a déclaré que “le choix de ne remplacer qu’un fonctionnaire sur deux sur la période 2008-2012, c’est une économie de 225 milliards d’euros sur le long terme, soit 15 % du montant actuel de notre dette publique”. Pour parvenir à ce chiffre, François Fillon a repris un vieil argumentaire du ministère du Budget qui valorise la suppression d’un poste de fonctionnaire en additionnant l’ensemble des salaires qui lui auraient été versés s’il avait été embauché. Les experts de Bercy calculent ainsi qu’un agent de l’État coûte en moyenne 1,5 million d’euros sur l’ensemble de sa carrière, retraite comprise. En multipliant ce chiffre par 30 000, soit l’objectif annuel de suppressions de postes, on aboutit à une économie de 45 milliards d’euros “sur le long terme”, soit 225 milliards en cumulant les cinq années.
Problème : ce raisonnement ne convainc pas les économistes. Primo, il suppose que les salaires versés aux fonctionnaires constituent une dépense “nette” pour l’État, alors qu’ils génèrent aussi des recettes via les impôts payés par les agents publics. Secundo, il ignore la contribution des services publics à la compétitivité et à la croissance du pays. Or cette contribution permet en retour d’augmenter les recettes fiscales.
Tertio, l’idée d'additionner les dépenses évitées sur plusieurs années pour mieux “valoriser” les gains liés aux suppressions de postes paraît bien peu académique. “Si l’on étend la méthode à toutes les recettes et dépenses de l’État sans prendre en compte les effets macroéconomiques, on atteint vite des sommes astronomiques, remarque Mathieu Plane, économiste à l’OFCE. Exemple : la récente réforme de l’ISF coûterait environ 80 milliards d’euros sur quarante ans.” Mais ce genre de dépense, personne ne songe, à Matignon ou ailleurs, à les comptabiliser “sur le long terme”.
Source : Acteurs publics
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