L’Assemblée Nationale a adopté lundi 28 novembre une proposition de loi sur les Certificats d’Obtention Végétale (COV) qui protège les intérêts des semenciers contre ceux des agriculteurs. Les députés socialistes se sont opposés à ce texte.
Le texte relatif aux "certificats d'obtention végétale" a pour objectif d'instaurer le versement d'une redevance pour l'utilisation des semences, déjà appliqué pour la culture du blé tendre.
Pour le ministre de l'agriculture, Bruno Le Maire, ces semences "ne peuvent pas être libres de droit, comme elles le sont aujourd'hui".
En fait, la proposition de loi du sénateur UMP Christian Demuynck transpose un règlement européen de 1994 sur la protection des obtentions végétales, jusqu'ici nullement en vigueur en France. Conséquence : les semences de ferme, jusqu'ici tolérées, sont désormais légalisées... à condition de verser une "rémunération aux titulaires des COV" – à savoir aux entreprises de semenciers –, "afin que soit poursuivi le financement des efforts de recherche et que les ressources génétiques continuent d'être améliorées", dit le texte de loi. En sont exemptés les petits agriculteurs produisant moins de 92 tonnes de céréales.
Plusieurs associations écologistes et paysannes craignent ainsi une mainmise accrue de la filière semencière sur l'accès aux graines, via un droit de propriété étendu aux récoltes et aux graines qui en sont issues. Avec la taxe, "même les agriculteurs qui se passent des semences commerciales doivent payer pour ces semences", déplore Guy Kastler. Le militant redoute que la part des semences de ferme ne s'amenuise, à mesure que ces dernières deviennent plus chères et donc moins intéressantes pour l'agriculteur. Entre cette taxe et l'interdiction de ressemer ses propres graines, l'agriculteur est de plus en plus incité, non plus à produire, mais à acheter ses semences. D'où la crainte d'une dépendance accrue aux entreprises semencières.
La question se pose sur l'impact de cette mesure sur la diversité agricole. Ressemer sa récolte peut entraîner des variations dans l'espèce, et donc favoriser cette biodiversité, nuance Guy Kastler. "Des caractères nouveaux apparaissent, permettant à la plante d'être mieux adaptée au sol, au climat, aux conditions locales. Il est alors possible de réduire les engrais et les pesticides. A l'inverse, les semenciers adaptent les plantes aux engrais et aux pesticides, qui sont partout les mêmes."
Concernant le financement de la recherche, Xavier Beulin Président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), estime que la contribution se justifie. Opposé à cet argumentaire, le syndicat Coordination rurale relève sur son site que Xavier Beulin n'est pas seulement à la tête du premier syndicat agricole. Il dirige aussi le groupe Sofiprotéol, "qui détient des participations dans plusieurs grands groupes semenciers français (Euralis Semences, Limagrain...)".
Le COV est, en France, une alternative au brevet sur le vivant, en vigueur aux Etats-Unis par exemple. Certains craignent un glissement vers ce régime du brevet, en limitant le droit des agriculteurs d'utiliser librement les semences protégées.
Selon le PS, cette proposition de loi porte en effet atteinte au droit des paysans de maitriser leurs productions, en leur imposant de verser aux industries semencières une dîme sur les fruits des récoltes. Ainsi, pour la droite, la crise n’est pas suffisante ! Il faut continuer d’étrangler les agriculteurs, cette fois en les contraignant à payer plus cher le droit d’ensemencer les récoltes. Les socialistes défendent l’idée d’un plus grand soutien apporté à la recherche agronomique pour répondre aux enjeux alimentaires et environnementaux du XXIe siècle. Ils préfèrent le système de la certification d’obtention végétale à celui du brevet. Ils estiment néanmoins que cet effort ne doit pas mettre en difficulté les producteurs. Interdire aux agriculteurs d’utiliser leurs semences après récolte, c’est les rendre totalement dépendants des industries semencières, lesquelles ne se sont pourtant jamais engagées en faveur d’une meilleure rémunération des producteurs. Par ailleurs, cette disposition accélère la concentration entre les mains de quelques grands groupes internationaux de la reproduction des espèces cultivées : la diversité génétique en agriculture, déjà considérablement mise à mal par l’obsession productiviste, est donc toujours plus menacée.
Source : Le Monde
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