« Le Conseil a jugé qu'en réprimant la contestation de l'existence et de la qualification juridique de crimes qu'il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l'exercice de la liberté d'expression et de communication», selon ce communiqué.
Deux ministres français avaient également fait part de leur opposition à la loi pénalisant la négation du génocide arménien en 1915. A commencer par le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, qui la jugeait «inopportune » et disait craindre qu'elle n'entrave les relations franco-turques. Et Bruno Le Maire, ministre de l'Agriculture, parce qu'il n'est «pas favorable par principe aux lois mémorielles ».
La concision même de cette décision démontre que le juge constitutionnel s’est situé sur le plan des principes fondamentaux. Avec la volonté manifeste de mettre un terme à une controverse qui fait rage depuis des années. D’une part, « la loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit, et par suite, être revêtue d’une portée normative». Elle ne peut donc pas être uniquement déclaratoire et « mémorielle », comme celle de 2001 par laquelle «la France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 ». C’est sur la base de ce texte que le Parlement a fondé la loi adoptée en janvier. D’autre part, le Conseil invoque le principe cardinal de la liberté d’expression, « d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie». Cela n’interdit au législateur ni d’en fixer les règles ni d’en réprimer les abus, mais à condition que ce soit de façon«nécessaire, adaptée et proportionnée». En l’occurrence, il a jugé que ce n’était pas le cas : en réprimant la contestation de l’existence de crimes qu’il a lui même qualifiés comme tels, le législateur porte atteinte à l’exercice de la liberté d’expression.
En clair, les politiques n’ont pas à s’ériger en ministère de la vérité, ni le Parlement en tribunal de l’Histoire. Comme l’avait déclaré le président Jacques Chirac, en 2005, et comme l’avait confirmé une mission parlementaire sur les « lois mémorielles» en 2008, il ne revient pas au législateur de fixer une vérité historique, d’en imposer une lecture officielle et encore moins de sanctionner pénalement ceux qui la contesteraient. De nombreux historiens se sont d’ailleurs insurgés contre cette judiciarisation de leur travail.
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