Un décret présenté en Conseil des ministres le 18 avril marque la fin d’une âpre bataille d’influence entre ministères. Les préfets de région auront désormais autorité sur 6 établissements publics, dont l’Ademe, même si cette dernière tutelle paraît juridiquement bancale.
Un simple décret constitue parfois l’enjeu des plus féroces batailles que se livrent les ministères. C’est le cas de celui sur le pouvoir des préfets, annoncé le 18 avril en Conseil des ministres par le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant [Lire le compte-rendu du Conseil des ministres]. Depuis des mois, ce dernier effectuait un intense lobbying auprès du Premier ministre François Fillon pour obtenir cet arbitrage. Il a finalement eu gain de cause le 13 avril, après une ultime réunion interministérielle deux jours avant.
De quoi s’agit-il ? Officiellement, de renforcer l’autorité des préfets de région sur les antennes locales de 6 établissements publics, afin de favoriser la cohérence des politiques publiques. Officieusement, de mettre un peu de baume au cœur des préfets, qui ont subi des coupes claires dans leurs services ces dernières années et de placer sous leur autorité les fonctionnaires des autres ministères qui œuvrent sur le terrain à l’intérieur des établissements publics. Désormais, les préfets de région seront les représentants officiels de ces établissements et pourront leur adresser des directives. Une victoire facilitée par le départ de Nathalie Kosciusko-Morizet du ministère de l’Écologie il y a deux mois.
S’il réussit un joli coup, Claude Guéant n’emporte toutefois pas complètement le morceau. Initialement, le projet de décret prévoyait de faire des préfets les délégués territoriaux de 12 établissements publics, mais c’était sans compter la vigilance du Conseil d’État. Le rapporteur de la haute juridiction administrative, consulté sur le texte, a en effet tôt fait de souligner le caractère “baroque”, voire inconstitutionnel, d’une opération qui consisterait à défaire par voie de décret l’organisation d’établissements publics inscrite dans la loi.
Face à ce rempart juridique, le ministère de l’Intérieur a dû reculer et renoncer à étendre la tutelle des préfets à 6 organismes : l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’Office national des anciens combattants, l’établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique et l’Office français de l’immigration et de l’intégration.
Les préfets voient en revanche leur autorité renforcée sur les antennes locales de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), l’Agence nationale de rénovation urbaine (Anru), France AgriMer, le Centre national du développement du sport (CNDS) et l’Agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (Acsé). Soient les 5 établissements publics pour lesquels la loi les a nommés délégués territoriaux.
À cette liste s’ajoute, de manière quelque peu acrobatique,
Jusqu’à nouvel ordre en tout cas, les préfets ont la main sur les directions régionales de l’Ademe. Une décision qui permet aussi à l’État de tenir plus courte la bride d’un établissement public qui profite de 2 milliards d’euros du grand emprunt. Pas sûr néanmoins que l’État gagne en efficacité, à en croire l’Association des régions de France (ARF), qui s’était déjà inquiétée en mars d’une “recentralisation” propre à “remettre en question l’indépendance fragile de l’Ademe”.
Ainsi, Michel Yahiel, délégué général de l’ARF, ironise : “C’est un peu « solution cherche problème ». Avec ce décret, le gouvernement modifie une organisation qui fonctionnait très bien et permettait des coopérations quotidiennes entre les conseils régionaux et l’Ademe. La légitimité des préfets sur ces métiers très techniques n’est pas évidente.” Le ministère de l’Intérieur a gagné une bataille, mais…
Source : Acteurs Publics
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