Deux études publiées le 29 mars sur le site de la revue américaine Science montrent l'impact négatif de pesticides de la famille des néonicotinoïdes sur le comportement des pollinisateurs. La première, française, révèle que des abeilles nourries avec une dose de thiamétoxam cinq fois inférieure à la dose létale présentent un taux significatif de non-retour à la ruche. La deuxième, conduite au Royaume-Uni, prouve que des colonies de bourdons exposées à l'imidaclopride prennent moins de poids et produisent 85 % de reines en moins. Ces deux études, qui pour la première fois présentent des expérimentations hors laboratoire et isolent le facteur pesticide des autres facteurs de stress pour les pollinisateurs, remettent en cause l'évaluation des produits utilisés : celle-ci se base sur une dose létale pour les abeilles, alors que selon les auteurs des expérimentations, une dose bien inférieure change le comportement et donc la survie des insectes.
En France, la publication de l'étude menée par l'Inra/Acta/CNRS/Adapi (1) a immédiatement conduit le ministère chargé de l'agriculture à lancer une procédure de réévaluation de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du Cruiser OSR, un traitement de semences à base de thiamétoxam et autorisé sur colza en juin 2011.
Le 29 juin, le Ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a fait part de sa décision de retirer l'Autorisation de mise sur le marché (AMM) du traitement de semences de colza Cruiser OSR Syngenta après avoir reçu l'avis de l'Anses, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation. Le ministre a estimé que les arguments fournis par Syngenta lors de la procédure contradictoire ne remettent pas en cause l'avis de l'agence, qui indique un effet néfaste observé d'une dose sublétale de ce traitement de semences sur le retour à la ruche des abeilles butineuses.
« L'autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), saisie du même sujet par la Commission européenne, a été associée à l'expertise de l'Anses, et aboutit, dans son avis publié également ce matin à des conclusions comparables », a complété le ministre.
Aussitôt, Syngenta a fait savoir qu'elle « déposera dans les plus brefs délais un recours en référé suspension devant le tribunal administratif contre la décision de retrait prise par le ministre de l'Agriculture ». La firme indique qu'elle « s'emploiera à défendre l'homologation du Cruiser par tous les moyens à sa disposition ».
Les apiculteurs réunis au sein de l'Unaf ou les ONG France nature environnement et Générations futures se sont rapidement réjouis de la décision ministérielle, parlant d'un signe « encourageant ».
Côté agricole, les défenseurs du traitement de semences dénoncent une décision « basée sur les résultats préliminaires d'une seule expérience non validée aux niveaux nationaux et internationaux ».
La firme dispose désormais, conformément à la procédure contradictoire réglementaire, d'un délai de quinze jours pour faire part de ses observations.
L'Anses, en lien avec l'Efsa, souligne par ailleurs la nécessité de poursuivre les travaux de recherche et appelle à une évolution de la réglementation européenne pour intégrer à l'évaluation des produits phytopharmaceutiques des expérimentations permettant une meilleure prise en compte des effets sublétaux d'une exposition aux néonicotinoïdes. Elle rappelle enfin la nécessité d'une approche multifactorielle des risques pour lutter efficacement contre le phénomène de mortalité des abeilles.
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