La loi Egalité et Citoyenneté, permet d'expérimenter le "loyer unique" imaginé par Rennes Métropole pour permettre aux locataires HLM de l'agglomération de choisir leur lieu de vie indépendamment de leur niveau de ressources.
Car aujourd'hui, à Rennes comme ailleurs, c'est la politique des loyers qui "conduit, de fait, à l’assignation à résidence des ménages les plus pauvres dans les quartiers", est convaincue Nathalie Demeslay, responsable du service habitat de la métropole qui n'en est pas à sa première expérimentation.
Pour lutter contre la ségrégation spatiale, l'intercommunalité rennaise a en effet, dès le début des années 2000, initié le "scoring" à la française. Un dispositif systématiquement montré en exemple dans le cadre de la réforme des attributions, envié et copié par la capitale mais qui aurait montré ses limites. Car même avec le scoring, avec un parc social en bon état et des opérations Anru ambitieuses, "nous ne parvenions pas à diversifier la population des quartiers", a constaté Nathalie Demeslay qui en conclut, étude à l'appui, que "c’est la structure même de l’offre qui a conduit à cette ségrégation spatiale".
Les résultats d'une étude conduite par Rennes Métropole sur l’occupation sociale de son parc, témoignent en effet d'une "spécialisation du peuplement des patrimoines et des territoires". Côté patrimoines, les niveaux de loyers mensuels (toutes surfaces confondues) varient de 318 euros à 358 euros en moyenne selon les quatre principaux bailleurs locatifs sociaux opérant sur le territoire, les deux OPH Archipel Habitat et Néotoa et les deux ESH Espacil (groupe Action Logement) et Aiguillon Construction.
Côté territoires, l'étude constate une concentration des bas loyers dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), avec une différence pouvant aller jusqu’à 38 euros entre la moyenne des loyers des QPV et celle de l’ensemble du parc d’un même bailleur.
Avec la mise en place du loyer unique, Honoré Puil, vice-président de Rennes Métropole en charge du logement, vise trois objectifs : "assurer le même niveau d’accessibilité quel que soit l’âge, la localisation ou le mode de financement du logement" ; "dé-spécialiser les territoires" ; "garantir un niveau d’accessibilité équivalent chez chacun des bailleurs".
Concrètement, le loyer ne tiendrait plus compte de la surface du logement ni de sa localisation, ni du type de financement (PLAI, PLUS, PLS…) mais serait fixé en fonction de sa typologie (T1, T2, T3…) et basé sur les niveaux des APL. "Un logement prévu pour une personne serait au niveau de loyer d’un APL pour une personne, un T2 au niveau de l’APL pour deux… Ainsi, les ménages les plus pauvres, qui touchent 100% des APL, seraient totalement solvables", explique Nathalie Demeslay.
Un logement aux caractéristiques identiques coûterait donc le même prix dans le centre-ville de Rennes qu’en banlieue ou dans une commune périphérique. Le loyer pourrait cependant être majoré "d’environ 10%" pour tenir compte du différentiel de charges favorable aux locataires d’un logement neuf ou rénové, précise la métropole.
La collectivité a débattu de son idée de loyer unique avec les services de l’Etat dans le cadre du groupe de travail d’EPCI volontaires pour réformer la politique d’attribution de logements HLM, en amont du projet de loi Egalité et Citoyenneté (l’application de cette mesure supposant de déroger au code de la construction et de l'habitation). C’est un amendement déposé en commission par la sénateur-maire de Rennes, Nathalie Appéré qui est ainsi à l’origine de l’article 81 de la loi du 27 janvier 2017 autorisant l’expérimentation.
Reste à préciser "les modalités opérationnelles de mises en œuvre de cette réforme dans le cours de l’année 2017" avant une application "progressive", à partir du premier semestre 2018, pour les logements neufs, et les logements anciens lors de leur relocation ou après d’importants travaux de réhabilitations, indique la métropole. A noter que le loyer unique concernera les 43 communes de l’EPCI, mais uniquement les appartements de type PLAI ou PLUS (pas PLS), "le cœur du problème", selon Honoré Puil, soit 34.210 logements sociaux sur les 48.000 que compte la métropole (environ 71% du parc).
Bien que tous les bailleurs aient accepté le principe de cette expérimentation, "nous avons encore un gros travail technique à réaliser", prévient Honoré Puil, car les conditions opérationnelles ne sont pas simples. Il juge cependant que ce projet sera facilité par le fait de n’avoir "que" quatre bailleurs autour de la table, et par une "vieille tradition de discussion et d’échanges avec les bailleurs sociaux", bien ancrée à Rennes.
L’association départementale des organismes HLM, ADO 35, souligne en effet que "l’ensemble des organismes concernés sont engagés aux côtés de Rennes Métropole dans cette initiative". Elle-même se déclare ouverte pour "préciser le contenu précis, le périmètre, les impacts économiques et sociaux, les modalités et l’évaluation" de l’expérimentation.
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