Le président (PS) de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Jérôme Cahuzac dénonce “la grande approximation” des deux options d’évolution de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) officiellement présentées jeudi 3 mars par le gouvernement. Il se dit “méfiant sur les recettes de substitution” que l’exécutif “prétend trouver” afin de compenser sa réforme de l’ISF, quel que soit le schéma retenu.
Les deux options qui sont sur la table sont les suivantes :
- aménager l’ISF actuel, en relevant le seuil d’entrée de 800 000 euros à 1,3 million d’euros, tout en réduisant et allégeant les tranches et taux d’imposition (0,25 % entre 1,3 et 3 millions de patrimoine, 0,5 % au-delà).
- abandonner la taxation du stock de patrimoine pour mettre en place une imposition de la variation de la valeur du patrimoine (les plus-values latentes) pour les personnes disposant d’un patrimoine supérieur à 1,3 million d’euros. Un taux unique de 19 % serait appliqué sur la variation de la valeur de l’ensemble des actifs détenus (immobilier, valeurs mobilières, assurance-vie). Lors de la vente et de la réalisation réelle de la plus-value, les impôts déjà versés seraient déduits des impôts dûs.
Dans les deux cas de figure, ce nouveau seuil d’entrée à 1,3 million d’euros conduit à exclure 300 000 personnes du champ de l’ISF nouvelle mouture. L’opération devra être neutre budgétairement pour l’Etat. Cela revient à trouver un bon milliard d’euros de recettes de compensation dans la première option, 3,2 milliards dans la seconde.
“Pour la taxation des plus-values latentes, l’assiette est incertaine, ce qui constitue une démarche surprenante”, souligne M. Cahuzac. Il pointe notamment le fait que les recettes pourraient baisser dès lors que des moins-values latentes auront été constatées. Voire organisées.
“On ouvre la porte à des mécanismes d’optimisation fiscale dangereux pour les finances publiques et ce sont ceux qui bénéficient des meilleurs cabinets fiscaux qui tireront le mieux profit de ce système”, dénonce le député.
Quant à l’option qui consiste à baisser les taux d’imposition, M. Cahuzac considère qu’elle bénéficiera aux seuls gros patrimoines : “Comme le premier ministre a dit que l’on ne compensera pas en faisant payer ceux qui ne paient pas l’ISF, on va déplacer l’effort des gros patrimoines vers les petits et moyens patrimoines éligibles à l’ISF. C’est étrange”, indique-t-il.
“Lâcheté ou erreur de jugement”
M. Cahuzac approuve en revanche la confirmation de la suppression du bouclier fiscal, ce dispositif, qui plafonne les impôts à 50 % des revenus imposables, et qui était devenu politiquement trop lourd à porter pour la majorité.
Le bouclier ne sera toutefois supprimé que pour les assujettis à l’ISF nouvelle formule. Il restera en vigueur pour ceux qui l’utilisent pour plafonner leurs impôts locaux (pour un peu plus de 500 euros en moyenne). Cela concerne la moitié (8 445 personnes) des bénéficiaires du dispositif.
“Mais l’essentiel des sommes versées au titre du bouclier concerne les personnes payant l’ISF”, souligne M. Cahuzac, qui se dit malgré tout “surpris de l’éloge funèbre prononcé par que M. Fillon”.
“Le premier ministre a dit qu’il s’agissait d’une bonne idée, mais qu’il fallait le supprimer. Soit c’est une bonne idée et le supprimer ce n’est pas faire preuve d’un grand courage, voire de lâcheté. Soit il faut le supprimer, mais alors dire en même temps que c’était une bonne idée c’est faire une erreur de jugement”, argumente le député.
Rappelant que l’ISF “représente 4 milliards d’euros” de rentrées pour l’Etat, quand la fiscalité du patrimoine dans son ensemble en “représente 56 milliards d’euros”, M. Cahuzac estime qu’avec ces annonces “on est loin” d’une véritable réforme de la fiscalité du patrimoine.
Source : Afp
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