Pour Acteurs publics, Christiane Féral-Schuhl, bâtonnière de l’Ordre des avocats de Paris, dénonce les dispositions du récent décret facilitant l’accès à la profession d’avocat pour les anciens ministres et parlementaires, synonyme selon elle de passage en force “d’intérêts catégoriels”. Le barreau de Paris va déposer un recours devant le Conseil d’État.
Certains métiers, comme les juristes, disposent de passerelles leur permettant de devenir avocats. N’est-il pas possible de permettre aux anciens ministres et parlementaires d’accéder, eux aussi, à cette profession ?
Certaines professions ont en effet la possibilité d’utiliser des passerelles vers le métier d’avocat. Mais aucune dans des conditions si avantageuses ! Le décret instaure un accès dérogatoire pour les personnes justifiant de huit années d’exercice de responsabilités publiques “les faisant directement participer à l’élaboration de la loi”. Elles sont dispensées du contrôle de la formation déontologique préalable et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat, à la différence des juristes. On ne peut pas considérer une personne comme étant apte à plaider sur la seule base des conditions vagues de ce décret.
L’Ordre des avocats n’a-t-il pas été consulté ?
Des discussions ont été menées par la profession avec le ministère de la Justice. Elles nous ont conduits à formuler des propositions. Nous souhaitions voir préciser quelles personnes seraient susceptibles de bénéficier de ce nouvel accès dérogatoire. Nous souhaitions également un contrôle des connaissances déontologiques lors de l’inscription au tableau. Nous n’avons pas été entendus. Nous le regrettons.
Le décret est publié à quelques semaines des élections. Avez-vous été saisis de demandes de ministres ou de députés souhaitant devenir avocats ?
Nous n’avons pas été saisis officiellement de demandes, mais nous avons été informés que des dossiers vont nous être adressés. Publié à quelques semaines d’échéances électorales majeures, le décret apparaît comme une tentative de faire passer en force des intérêts catégoriels. Cela ne sert pas l’image des femmes et des hommes politiques. Les réactions sont très vives parmi les avocats. Il faut bien comprendre que nous ne défendons pas les intérêts d’une corporation, mais celui de tous les citoyens. Le décret est synonyme de remise en cause de la qualité du service rendu aux justiciables.
Allez-vous déposer un recours au Conseil d’État ?
Le conseil de l’Ordre des avocats de Paris, réuni en séance le 10 avril, a voté contre le projet de décret et a décidé un plan d’actions pour s’opposer à cette réforme. Nous disposons de deux mois pour déposer un recours. Bien entendu, nous n’attendrons pas la fin de ce délai. Les modalités de ce recours restent à préciser. Nous suivons évidemment de près le recours qui va également être déposé par le Conseil national des barreaux.
Pensez-vous pouvoir faire annuler le décret ?
Nous avons bon espoir que le Conseil d’État se penche sur les problèmes réels soulevés par ce décret. Le gouvernement ne peut pas décider seul, sans concertation et dans l’urgence, sur un sujet aussi important. C'est aux avocats de fixer les critères d’admission à leur profession pour que les conditions de compétences et d’acquisition des diplômes professionnels soient respectées.
Source Acteurs publics
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