Des représentants de la mission d'information du Sénat sur les agences de notation ont affirmé mercredi qu'ils n'attendaient "pas d'avancées significatives" des Etats-Unis en matière de réglementation financière internationale, en particulier des agences. Réformer les agences de notation : l'idée est séduisante, elle est revendiquée par la plupart des candidats à la présidentielle. Problème : elle risque de relever davantage du fantasme que de la réalité. C'est, à mots couverts, ce qui ressort des propos des quatres représentants de la mission d'information du Sénat sur les agences de notation. Frédérique Espagnac (Pyrénées Atlantiques), présidente de cette mission, Aymeri de Montesquiou (Gers), le rapporteur, Marie-Hélène des Esgaulx (Gironde) et Jean-Pierre Caffet (Paris) ont rencontré lors d'un voyage de trois jours Outre-Atlantique les dirigeants des trois grandes agences de notation américaines, qui dominent ce marché au niveau mondial : Standard and Poor's, Moody's et Fitch. Ils se sont également entretenus avec des sénateurs américains, des représentants de cercles de réflexion, de la banque Goldman Sachs, de la Commission américaine des opérations de Bourse (SEC), et de la Cour des comptes américaines, entre autres.
Résultat : ce n'est pas demain la veille que le pouvoir politique mettra au pas celui des agences de notation, qui font aujourd'hui la pluie et le beau temps sur les marchés mondiaux. "Ce qu'on en a retenu, c'est une résistance à plus de réglementation", "doublée d'un conflit politique" entre démocrate et républicains, a noté Jean-Pierre Caffet.
Les républicains souhaitent même revenir sur certaines mesures de la réforme de la loi financière, dite loi Dodd-Frank, votée en juillet 2010, qui semble un "horizon indépassable" en matière de réglementation financière, a noté Jean-Pierre Caffet. "Aussi bien du point de vue des acteurs du marché américain" que des responsables politiques, il ne faut pas "attendre des avancées significatives en matière de regulation internationale", a-t-il ajouté. "Sur des points relativement précis comme le règlement des conflits d'intérêt et du principe d'émetteur-payeur, sur la responsabilité des agences de notation quand elles se plantent, elles ne veulent pas entendre parler" de plus de réglementation, a-t-il insisté.
Pour Marie-Hélène des Esgaulx, on "va vers deux solutions complètement différentes de chaque côté de l'Atlantique. Ici les agences de notation émettent une opinion et c'est uniquement une opinion. Elles considèrent que c'est une erreur de réglementer, alors qu'en Europe" on se dirige vers plus de réglementation, a-t-elle ajouté. "On pourrait arriver à des solutions qui ne soient pas les mêmes, et ça, ça gêne les agences", a-t-elle insisté.
Jean-Pierre Caffet fait remarquer que les agences de notation sont l'objet de plusieurs plaintes aux Etats-Unis les accusant d'être responsables de pertes essuyées par des investisseurs. "Reste à voir si la jurisprudence américaine les considèrera comme des prestataires de services dont la responsabilité peut être engagée ou comme (des émetteurs) d'opinion, comme un journaliste, auquel cas on ne peut rien dire", a-t-il argumenté.
"Ce qu'on en déduit, c'est que si une initiative doit arriver, elle doit venir de l'Europe. Il y a un travail qui se fait à Bruxelles. Dans les futures discussions qu'il pourrait y avoir autour des G20, on aura des choses à proposer qui viendront probablement de l'Europe et la France aura un rôle à jouer dans ce cadre", a conclu Frédérique Espagnac.
La mission, qui compte 27 sénateurs, enverra ensuite une délégation à Bruxelles et à Londres. Et espère ne pas recevoir de nouvelle douche froide en Europe.
Source : La Tribune
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