La ministre de la justice, Christiane Taubira, et de la ministre des droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, s’étaient engagées à créer rapidement un cadre juridique protecteur pour les victimes de harcèlement sexuel après la décision du Conseil constitutionnel d’invalider la loi sur le harcèlement sexuel (lire l'article). Après l'abrogation, toutes les procédures en cours ont été annulées ou requalifiées tant bien que mal, ce qui avait provoqué un vif émoi parmi les victimes.
La chancellerie avait invité le 10 mai les parquets à requalifier les plaintes après l'abrogation de la loi. Toutes les procédures en cours avaient été annulées ou requalifiées, ce qui avait provoqué un vif émoi parmi les victimes. Christiane Taubira en attend le bilan à la fin du mois.
La loi ne pourra sans doute pas être rétroactive, les faits intervenus avant son adoption ne pourront donc pas être poursuivis.
Les deux Ministres présenteront, mercredi 13 juin en conseil des ministres, un nouveau projet de loi. Le nouveau gouvernement s'y était engagé. A l’heure actuelle, les peines "restent inférieures à celles qui punissent le vol".
La définition du harcèlement sexuelle va donc être élargie et précisée et l’échelle des peines graduée.
Le nouveau texte est nettement plus sévère que celui de 1992, puisque le maximum des peines encourues était d'un an de prison et 30 000 euros d'amende, et qu'il le sera désormais de trois ans et 45 000 euros en cas de circonstances aggravantes. Le projet a été rédigé sur la base des trois directives européennes de 2002, 2004 et 2006 et des demandes des associations, que la chancellerie a longuement consultées. Le Conseil d'Etat a examiné le texte et c'est donc une version juridiquement solide qui sera présentée mercredi en conseil des ministres.
Le harcèlement sexuel consiste à "imposer à une personne, de façon répétée, des gestes, propos ou tous autres actes à connotation sexuelle, soit portant atteinte en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créant pour elle un environnement intimidant, hostile ou offensant". Le principal sujet de discussion est de savoir si le harcèlement est constitué d'actes répétés, ou si un seul peut suffire à caractériser le délit.
Sont visés les blagues graveleuses, insinuations, petites phrases, gestes trop pressants, frôlements et caresses non désirés ou le fait de déposer régulièrement une revue pornographique sur le bureau d'un collègue, de lui envoyer des reprises des messages ou des photos gênantes, sans qu'il soit nécessaire de démontrer que l'auteur avait la volonté d'obtenir une relation sexuelle. Le délit réprime un comportement que la personne qui en est victime ait exprimé son désaccord, et que le harceleur n'en ait tenu aucun compte. Le texte protège "les personnes", et pas seulement les femmes. Les victimes peuvent être des homosexuels, des transsexuels, etc. Ces faits sont punis d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende.
La loi vise une forme de "chantage sexuel". Elle punirait le harcèlement qui "même en l'absence de répétition, s'accompagne d'ordres, de menaces, de contraintes ou de toute autre forme de pression grave accomplis dans le but réel ou apparent d'obtenir une relation sexuelle, à son profit ou au profit d'un tiers". Des circonstances aggravantes sont également définies. Les peines seraient alourdies d'un an si les faits sont commis par une personne "qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions", sur un mineur, une personne vulnérable, ou s'ils sont commis en réunion.
L'objectif du projet de loi est de combler rapidement un vide juridique et de protéger ainsi les victimes des agressions.
La procédure accélérée devrait être choisie. Le projet ferait alors l'objet d'une seule lecture, d'abord début juillet au Sénat, puis avant la fin de l'été à l'Assemblée.
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