La Commission veut obliger les multinationales à dévoiler leur imposition. Cette transparence sera obligatoire dans l’UE et dans les paradis fiscaux.
La commission Juncker est paradoxalement placée sous le signe de la lutte contre l’évasion fiscale. Ebranlé dès ses premiers jours en novembre 2014 par le scandale LuxLeaks qui mettait en cause son Président en sa qualité d’ancien Premier ministre du Luxembourg, l’exécutif européen a depuis multiplié les initiatives en la matière. La présentation ce mardi d’une proposition visant à obliger les multinationales à faire la transparence sur les profits et les impôts payés pays par pays en est une nouvelle illustration. Une initiative réclamée de longue date par les ONG, qui veulent mettre fin à l’opacité permettant à certaines entreprises de jouer du maquis réglementaire pour payer le moins d’impôts possible en toute discrétion. L’étude d’impact menée par la Commission – dont « Les Echos » ont obtenu une copie–chiffre entre 50 et 70 milliards d’euros les pertes fiscales occasionnées dans l’UE par ces stratégies d’évitement fiscal. Ces annonces, prévues depuis plusieurs semaines, prennent une résonance toute particulière compte tenu du scandale entourant les révélations des « Panama papers ». « Cela a donné un nouvel élan politique indéniable à notre travail », reconnaît une source européenne.
Ces derniers jours, Bruxelles a donc revu à la hausse ses ambitions. Cette transparence pays par pays (sur les revenus, les impôts, le nombre d’employés, etc.) ne devait initialement concerner que les 28 Etats de l’Union. Mais il a été finalement décidé que la même obligation viserait toute filiale établie dans un des paradis fiscaux de la future « liste noire » que l’UE doit établir dans les six mois à venir.
Pour autant, ce plan ne devrait pas satisfaire complètement les ONG les plus en pointe dans la lutte contre l’évasion fiscale. Bruxelles a décidé de cibler son effort sur les multinationales dont le chiffre d’affaires dépasse 750 millions d’euros, qu’elles soient européennes ou étrangères avec une activité dans l’Union. « Aujourd’hui, si vous êtes une PME opérant dans un seul pays, vous payerez un taux effectif d’imposition supérieur à celui d’une multinationale capable de structurer son activité dans plusieurs pays pour payer le moins d’impôt possible, de l’ordre de 30% de différence », explique aux « Echos » Jonathan Hill, le commissaire en charge des services Financiers qui défend ce dossier conjointement avec Pierre Moscovici. Ce seuil de 750 millions répond donc à cet objectif : certes il ne touchera donc que 10% à 15% des multinationales, mais celles-ci génèrent 90% des revenus des grandes entreprises transnationales. Par ailleurs, le coût pour le « big business » sera nul car il a déjà l’obligation de collecter ces informations dans le contexte des nouvelles recommandations de l’OCDE, alors qu’il en aurait coûté en moyenne 100.000 euros aux PME, selon l’étude d’impact de la Commission. L’argumentaire ne convainc guère les ONG, qui auraient préféré que le seuil de chiffre d’affaires soit ramené à 40 millions. « Le scandale des “Panama papers” nous a rappelé que le problème de l’évasion fiscale ne se limite pas à quelques très grandes entreprises », estime Manon Aubry chez Oxfam. Il reste à voir quel accueil feront les Etats membres à ces propositions.
Londres a déjà dit son soutien. En revanche, certains à Bruxelles s’inquiètent d’une certaine tiédeur en France, « où l’heure semble plus à protéger la compétitivité des entreprises », selon une source européenne.
Le gouvernement français s’en défend et assure soutenir le reporting public à partir du moment où il est pratiqué à l’échelle européenne.
Les chiffres clefs :
50 MILLIARDS D’EUROS
Les pertes fiscales occasionnées par les stratégies d’évitement des impôts. Elles pourraient monter à 70 milliards d’euros dans l’Union européenne.
750 MILLIONS D’EUROS
Le seuil du chiffre d’affaires à partir duquel les multinationales devront dévoiler leurs profits et impôts pays par pays dans l’Union européenne.
source : les Echos
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