Un département n'a pas le droit de conditionner le versement du revenu de solidarité active (RSA) à la réalisation de bénévolat, a tranché la justice ce mercredi 5 octobre, annulant une mesure prise dans le Haut-Rhin qui avait suscité une polémique nationale.
Le tribunal administratif de Strasbourg, saisi par la préfecture, a annulé la délibération prise en février par le conseil départemental du Haut-Rhin qui conditionnait le versement du RSA à la réalisation de sept heures de bénévolat hebdomadaires. Une mesure présentée comme un moyen de faciliter l'insertion des bénéficiaires et leur retour vers l'emploi.
"Le tribunal a annulé la délibération attaquée en considérant que le département ne pouvait envisager de conditionner, de manière générale, le versement du RSA à l'accomplissement de telles actions de bénévolat", explique le tribunal dans un communiqué. Le tribunal administratif relève que "si le RSA est attribué par le président du conseil départemental et que le département en assure le financement, les conditions pour bénéficier du revenu de solidarité active sont toutefois exclusivement définies par le code de l'action sociale et des familles".
La mesure controversée, présentée par les élus du Haut-Rhin comme une première en France, devait entrer en vigueur au 1er janvier 2017. Elle avait provoqué l'indignation des associations venant en aide aux personnes précaires mais avait été défendue par des personnalités de droite comme les présidents de Paca et de Rhône-Alpes-Auvergne, Christian Estrosi et Laurent Wauquiez.
"Nous prenons acte du jugement du tribunal administratif, mais nous persistons et signons dans notre volonté d'inscrire le bénévolat dans les parcours d'insertion des allocataires du RSA", a réagi le président (LR) du conseil départemental du Haut-Rhin, Eric Straumann. A la place de l'obligation d'effectuer des heures de bénévolat prévue par la délibération, il envisage d'inscrire ces actions dans "des contrats d'engagements réciproques". "Si le bénéficiaire accepte de le signer, on pourra prévoir un engagement bénévole", a précisé Eric Straumann à l'AFP, soulignant par ailleurs dans son communiqué que "près de 300 personnes, allocataires, associations et partenaires du secteur de l'insertion sont associées depuis le printemps aux différents ateliers participatifs mis en oeuvre par le comité de pilotage".
Au-delà de la volonté affichée de "mettre le pied à l'étrier" aux bénéficiaires du RSA, Eric Straumann fait partie des élus dénonçant un modèle en vertu duquel les départements n'auraient aucun pouvoir sur les conditions d'attribution d'une allocation dont ils assurent pourtant une part croissante du financement.
Le tribunal a expliqué mercredi qu'un "contrat librement débattu énumérant des engagements réciproques en matière d'insertion sociale ou professionnelle" pouvait être établi avec le bénéficiaire du RSA. Et que dans ce cadre, "des actions de bénévolat auprès d'associations sont susceptibles d'être proposées au titre de l'insertion sociale du bénéficiaire". Il précise en revanche qu'il n'est pas possible de "suspendre le versement en raison du non-accomplissement d'heures de bénévolat, sauf à constater qu'il figure parmi les engagements souscrits dans le cadre du contrat".
"Je me réjouis que le tribunal ait déclaré illégales des mesures qui visent à stigmatiser les plus pauvres, à montrer du doigt ceux qui sont au RSA", a commenté mercredi la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, à la sortie du conseil des ministres. "Les associations sont satisfaites de voir confirmer l'illégalité de telles pratiques stigmatisantes", a pour sa part réagi la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars), estimant que "conditionner l'allocation, c'est d'abord espérer réduire le nombre de bénéficiaires grâce aux sanctions".
Cette décision intervient alors que le financement des allocations de solidarité, en particulier du RSA, figurera nécessairement parmi les sujets phare du congrès de l'Assemblée des départements de France (ADF) ces 6 et 7 octobre à Poitiers.
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