la suppression du juge d'instruction crée une "justice à deux vitesses"
Elisabeth Guigou, ancienne garde des Sceaux PS, a estimé jeudi que la suppression du juge d'instruction souhaitée par Nicolas Sarkozy mettrait les justiciables en "situation d'infériorité" par rapport au parquet et créerait une "justice à deux vitesses".
Mme Guigou avait enlevé en 2000 au juge d'instruction la responsabilité des mises en détention provisoire pour la confier à un juge des libertés.
Mais "je n'ai pas décidé la suppression du juge d'instruction car elle laisse la personne mise en cause et ses avocats seuls face à un parquet puissant. Et seules les personnes qui auront un ou plusieurs avocats pouvant mener une contre-enquête auront des chances d'être défendues", a-t-elle affirmé à l'AFP.
"C'est un problème de justice à deux vitesses", a-t-elle dit.
La commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau, en 2006, "a eu à nouveau ce débat et les mêmes conclusions: pour remédier à la dérive du juge d'instruction, on avait préconisé que le juge soit intégré dans un équipe", a-t-elle rappelé.
La réforme de la justice, votée dans la foulée, a mis en place des pôles d'instruction. "Je ne comprends pas pourquoi l'on interrompt cette bonne réforme pour la remplacer par une mauvaise qui ne donnera pas les mêmes garanties aux justiciables. C'est au minimum brouillon comme méthode", a estimé Mme Guigou.
Le deuxième problème, selon elle, est que "le parquet n'est plus indépendant" et que "l'on confie l'ensemble de l'enquête à un magistrat soumis aux instructions du pouvoir politique et sur lequel pèse un soupçon d'impartialité".
"Plus de questions que de réponses"
Le député PS Dominique Raimbourg a estimé jeudi que la suppression du juge d'instruction souhaitée par Nicolas Sarkozy posait "plus de questions que de réponses", qualifiant cette annonce de "stratégie d'occupation des médias".
"Comment garantir l'indépendance de la justice, si l'on supprime le magistrat instructeur? Comment garantir le débat contradictoire, au cours duquel les différentes parties du procès peuvent débattre des différentes phases de l'enquête?", s'est interrogé dans un communiqué M. Raimbourg, avocat de profession.
Entrant un peu plus dans le détail, le député PS s'est également demandé "qui paiera les frais d'enquêtes si celles-ci sont faites par les parties au procès, l'accusé ou la victime? A quel magistrat les justiciables --accusés ou victimes-- mécontents, à tort ou à raison, d'une enquête pourront-ils s'adresser?".
M. Raimbourg a qualifié l'annonce du chef de l'Etat de "stratégie d'occupation des médias".
"Pourquoi maintenant alors que lors de la refonte de la carte judiciaire on a fermé, à grands frais, des tribunaux précisément pour regrouper les juges d'instruction?", a-t-il ajouté.
"Légitime" sous conditions"
Le député UMP Pascal Clément, ancien garde des Sceaux, s'est exprimé jeudi sur la réforme de l'instruction souhaitée par Nicolas Sarkozy.
"La réforme de l'instruction est un problème récurrent dont on parle depuis des années. Nicolas Sarkozy a décidé de l'aborder de front", a estimé dans un communiqué le député de la Loire, avocat de profession.
"Cette réforme est légitime. Mais j'y mets trois conditions", a-t-il ajouté.
- "garder la possibilité de déposer une plainte avec constitution de partie civile, afin d'empêcher une affaire d'être enterrée",
- "les frais d'enquête doivent rester à la charge de l'Etat",
- "garder le lien hiérarchique entre le chancelier et les magistrats du parquet, pour éviter une possible dérive vers un gouvernement des juges".
afp
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