Devenu depuis peu une espèce en voie de disparition, le secret des sources des journalistes sera ajouté prochainement à l'article 2 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
Les juges amateurs de safaris anti-journalistes n'ont qu'à bien se tenir, le soldat Dati est envoyé en mission commandée avec un beau projet de loi, bancal comme on les aime (voir le texte sur le site de l'Assemblée). Son mépris des journalistes, Nicolas Sarkozy l'avait prouvé à de nombreuses reprises.
En Sarkozie, les crimes de lèse-majesté sont sévérement punis, que ce soit le journaliste Airy Routier, poursuivi en justice pour avoir dévoilé l'existence du SMS envoyé à Cécilia, ou le patron de Paris Match Alain Genestar, licencié pour avoir publié des photos de Cécilia (encore elle) en compagnie de son nouveau compagnon Richard Attias.
On peut donc s'étonner de cette soudaine passion du Président de la République pour le secret des sources des journalistes. Mais en observant de près le projet de loi concocté on remarque que ce texte porte en réalité un certain nombre d'atteintes au secret des sources voire à l'intégrité de la profession de journaliste.
Tout d'abord, les juges pourront contourner le secret des sources en cas de "crime ou délit grave". Non seulement on apprend au passage que dans l'esprit de Madame Dati il peut exister des crimes qui ne sont pas graves, mais on sait désormais que les juges peuvent, sous couvert de "sureté nationale", se permettre d'attenter aux libertés fondamentales que sont le respect du domicile et du respect des biens.
Mais qu'on se rassure, soldat Dati veille au grain: les perquisitions des magistrats dans les organes de presse mais aussi au domicile des journalistes sont autorisées, à condition que cela n'empêche pas la parution d'un journal ou interrompe un programme télé. Bien maigre consolation, car si les reporters ont le droit de se taire, les juges obtiennent le droit de "faire parler" leurs ordinateurs. Et Dati s'empresse d'ajouter: les documents saisis sont toutefois soumis à l'arbitrage du juge des libertés car en cas de contestation, le document incriminé est placé sous scellé, et ne peut être restitué au journalistes que si le juge des libertés donne raison à ce dernier.
Là encore, nouvelle entourloupe: un juge du siège a t-il l'habitude de contredire un autre juge du siège.
Ignorance crasse ou cynisme d'état, cette loi annonce un nouvel épisode de la démocratie en Sarkozie: là où une inscription du pluralisme de la presse dans la Constitution est exigée par les Socialistes, Sarkozy répond par un texte issu directement de ses mésaventures personnelles avec les derniers survivants du journalisme d'investigation français.
Nicolas Brien
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