Cet article est le résultat d’une discussion que nous avons eu avec Jean Yves Le Déaut, Député de Meurthe-et-Moselle.
Il est impossible de comprendre l’agrégation qui est faite par les Bretons entre des problèmes très différents.
Il faut bien sûr soutenir la filière agro-alimentaire française mais ses difficultés tiennent plus des modèles de production et de distribution. Les filières, très aidées, qui se sont spécialisées à l’export restent très fragiles car d’autres pays peuvent produire à des prix souvent plus bas. La meilleure manière de conforter une filière est de transformer les produits et de les valoriser.
Député de L’Allier, je suis un fervent défenseur de l’écotaxe sur les transports, les Allemands l’ont fait depuis longtemps, les Alsaciens l’ont expérimenté, et tout le trafic poids-lourd du Nord au Sud de l’Europe est dévié vers la Lorraine, la Franche-Comté et la Bourgogne et l’Allier (RCEA, RN7).
Ces voies gratuites sont encombrées de camions. Si aucune contribution n’est demandée au trafic poids-lourds, qui va payer la maintenance des infrastructures routières ou le développement d’infrastructures alternatives (ferroviaire, voies navigables).
Rappelons que la privatisation des autoroutes réalisée par la droite a privé l’État de ressources nécessaires à ces infrastructures.
La Bretagne est certes excentrée mais bénéficie d’un réseau à quatre-voies totalement gratuit et les difficultés que la région rencontre ne sont pas pires que celles d’autres régions notamment Bourgogne (la Saône-et-Loire en particulier) et l’Auvergne.
Il faut une solidarité nationale et, prélever une écotaxe sur le transport par camions a un effet vertueux sur le développement des filières courtes. Ces éléments doivent être apportés à la réflexion et on ne peut pas demander à François Hollande d’éponger la dette que son prédécesseur avait accumulé sans faire contribuer, de manière juste, la totalité des Français et par là même des régions dans lesquelles ils habitent.
Le vrai sujet est effectivement de parvenir à une fiscalité plus juste et je suis abasourdi quand j’entends une grande organisation agricole prôner, à la place de l’écotaxe, l’instauration d’une TVA dite « sociale » qui en fait fera tous les consommateurs quels que soient leurs revenus.
D’autre part, comme le rappelaient les commissaires socialistes au développement durable et à l’aménagement du territoire, l’écotaxe poids lourds est une mesure de fiscalité écologique juste même si la signature d’un partenariat public-privé avec la société Ecomouv’ est contestable.
Il s’agit de favoriser le report modal afin de respecter les engagements de la France en matière de qualité de l’air et plus globalement, en matière de lutte contre le changement climatique, mais aussi d’optimiser les chargements et donc d’accroître la compétitivité du secteur.
Pour rappel également, le réseau taxable est très limité, ne s’étendant que sur 1.7 % de l’ensemble du territoire tandis que seuls les plus de 3.5 T sont concernés (et non pas les petits utilitaires ou les petits camions frigorifiques par exemples). L’impact économique de l’écotaxe est donc limité : en pratique, pour certaines marchandises avec peu de transport et des circuits courts, l’impact serait limité à 0.1%.
Le principe de cette taxe poids lourds ne doit pas être abandonné pour plusieurs raisons :
- L’écotaxe a vocation à faire contribuer le transport routier pour compenser les impacts qu’il génère réellement tant sur l’environnement (et notamment sur la qualité de l’air, mauvaise en France ;
- La suspension de l’écotaxe pose un problème de recettes conséquent à l’AFITF, sachant que 750M€ de recettes étaient au minimum attendus et devaient abonder cette Agence :
- comment financer les 4 LGV dont la réalisation à été engagée sous la majorité précédente ? Comment avoir une politique des transports sans moyens ? ainsi le contrat des TET (Train Équilibre des Territoires) qui doit être signé début décembre et concerne notamment les ligne Paris-Clermont-Lyon risque d’être remis en cause.
- Comment assurer la redistribution dans les territoires sachant qu’une partie des recettes de l’écotaxe était fléchées vers les collectivités territoriales dans le but de financer les infrastructures locales ? (l’exemple breton est parlant : pour 42 M€ de contribution par an, la Bretagne devait recevoir 135 M€ annuellement pendant les 5 prochaines années pour améliorer ses infrastructures de transport) ;
Le Premier ministre a annoncé la suspension de la mesure et l’instauration d’un dialogue afin de mettre sur la table plusieurs propositions et trouver des solutions justes et équilibrées pour la Bretagne mais également pour l’ensemble du territoire et des acteurs économiques.
Il semble essentiel de communiquer plus clairement avec la population et les acteurs économiques sur les modalités (tracés, tarifs, exonérations) et les enjeux de l’écotaxe (financement des infrastructures, report modal).
Il semble également assez évident que les citoyens ne souhaitent pas payer pour la destruction du réseau routier local due au passage intempestif de gros camions de marchandises empruntant les routes nationales, départementales et communales et non pas les autoroutes payantes !
Il semble également logique de travailler davantage avec les collectivités territoriales, en leur faisant prendre conscience que la mise en oeuvre de cette écotaxe est une opportunité, en leur proposantune implication plus importante (coélaboration du réseau routier concerné, tarifs, etc.) via notamment le volet infrastructure des Contrats de projet Etat-région.
Enfin, il semble évident qu’il faille soutenir un changement de modèle notamment dans les secteurs agricole, agro-alimentaire et de la grande distribution, afin de les inscrire dans la transition écologique garante de la justice sociale, de la préservation de l’environnement et de la prospérité économique du pays.