L'ancien ministre Charles Pasqua, le groupe Total et son PDG, Christophe de Margerie, sont renvoyés en correctionnelle à Paris pour des malversations présumées dans le programme de l'ONU en Irak "Pétrole contre nourriture". Le juge d'instruction a décidé le 28 juillet de renvoyer dix-neuf personnes physiques, dont MM. Pasqua et de Margerie, et une personne morale, la société Total, selon une source judiciaire, confirmant une information publiée par l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo. Le procès devrait se tenir à Paris courant 2012.
Le groupe pétrolier français Total s'est déclaré mardi "confiant dans l'issue du procès" et sur le fait "qu'il sera établi que Total ne peut se voir reprocher les faits cités". Dans un communiqué, le groupe a souligné qu'"aucun élément du dossier ne permet d'établir la réalité de ces allégations pour lesquelles le parquet a déjà requis deux non-lieux depuis l'ouverture de l'instruction en 2002". L'entreprise rappelle notamment que "le rapport de la commission d'enquête indépendante créée par l'ONU [le rapport Volcker] a écarté tout grief de corruption".
Ce renvoi en correctionnelle constitue "une désagréable surprise" a commenté l'avocat de Charles Pasqua, Lev Forster, qui s'est cependant dit d'une "sérénité totale" quant à l'issue du procès. "C'est une désagréable surprise qui montre le caractère imprévisible et approximatif du système judiciaire, puisque le ministère public avait requis un non-lieu et que le magistrat instructeur a choisi, sans même rencontrer M. Pasqua, de ne pas en tenir compte", a déclaré l'avocat, précisant qu'il comptait plaider la relaxe. "M. Pasqua n'a cessé de dire qu'il était innocent et qu'il était incroyable qu'on puisse le poursuivre pour ces faits", a ajouté Me Forster, qui s'est interrogé sur la date choisie – en plein milieu de l'été – pour signer cette ordonnance de renvoi.
L'enquête, ouverte en 2002, s'était orientée vers diverses personnalités françaises soupçonnées d'avoir perçu au début des années 2000 des commissions occultes sous forme d'allocations de barils de pétrole du régime irakien de Saddam Hussein, en violation du programme de l'ONU "Pétrole contre nourriture". Le parquet de Paris avait pourtant requis en octobre un non-lieu pour MM. Pasqua et de Margerie ainsi que pour Total.
Au total, vingt personnes physiques, dont l'une est depuis morte, et deux entreprises ont été mises en examen dans ce dossier. M. Pasqua, relaxé en avril dans l'affaire de l'Angolagate, est renvoyé en correctionnelle pour trafic d'influence et corruption. Le patron de Total est poursuivi pour complicité d'abus de biens sociaux. Total est poursuivi pour corruption et complicité et recel de trafic d'influence. La justice soupçonne des dirigeants du pétrolier d'avoir versé des pots-de-vin pour des marchés.
Mis en œuvre entre 1996 et 2003 en Irak, le programme "Pétrole contre nourriture" était censé soulager les souffrances endurées par le peuple irakien en lui permettant, malgré l'embargo imposé après la première guerre du Golfe, de vendre une partie de son pétrole en échange d'aide humanitaire. Mais le régime de Saddam Hussein a détourné le programme de son objet et empoché 1,8 milliard de dollars par le biais de surfacturations ou de ventes parallèles.
En 2004, l'ONU avait mis au jour le détournement du programme : l'Irak délivrait des allocations de barils de pétrole à des "amis" en échange de leur lobbying pour la levée des sanctions qui frappait le pays. La France était l'un des pays les plus concernés.
Le Monde