L'Assemblée nationale a adopté, dans la nuit de lundi à mardi, le projet de loi sur la répartition des contentieux et l'allègement de certaines procédures juridictionnelles. Ce texte, déjà adopté en première lecture par le Sénat, permettra notamment aux ayants droit de solliciter des dommages et intérêts dans le cadre d'une ordonnance pénale, la procédure retenue pour traiter les dossiers transmis au parquet par l'Hadopi.
L'ordonnance pénale est une procédure judiciaire simplifiée, sans débat contradictoire, et réservée aux délits sanctionnés par des peines légères et aux contraventions. Elle est couramment utilisée pour sanctionner les délits routiers. Rendue par un juge, l'ordonnance pénale n'a pas à être motivée, et est rendue sans que l'accusé soit entendu. Jusqu'à présent, les ordonnances pénales ne permettaient pas aux parties civiles de demander des dommages et intérêts, pour lesquels une procédure contradictoire était obligatoire.
Lors des débats sur la loi Hadopi, le choix s'était porté sur la procédure de l'ordonnance pénale pour traiter les dossiers de téléchargeurs présumés transmis au parquet. La loi prévoit un mécanisme dit de "riposte graduée" : après deux avertissements, par e-mail et par courrier recommandé, pour signaler au titulaire d'un accès Internet que sa connexion a été utilisée pour télécharger illégalement, la Haute Autorité peut décider, après avoir constaté une nouvelle infraction, de transmettre le dossier à la justice, qui décidera d'une éventuelle sanction (coupure de l'accès, amende...).
L'ordonnance pénale avait l'avantage d'éviter un engorgement des tribunaux en cas de forte affluence des dossiers de téléchargement illégal ; pour les adversaires de la loi, en revanche, l'absence de débat contradictoire affaiblit nécessairement les droits de la défense, dans des procédures où les contestations techniques peuvent être nombreuses.
La loi Hadopi prévoyait également que les ayants droit puissent se porter partie civile et demander des dommages et intérêts. Les studios et éditeurs auraient ainsi pu demander des compensations financières aux téléchargeurs, de manière très simplifiée, sans passer par la présence – coûteuse – d'avocats dans de nombreux procès. Mais cette disposition de la loi Hadopi avait été censurée par le Conseil constitutionnel, non pas sur le fond, mais sur la forme : cette nouvelle possibilité était insuffisamment précisée par la loi. C'est désormais chose faite.
Malgré les tentatives de la Haute Autorité pour mettre davantage en avant son rôle pédagogique – avec le lancement à grand renfort de publicité du "label PUR" (promotion des usages responsables) à destination des plateformes proposant des offres en ligne – , cette nouvelle donne législative contribue encore à mettre l'accent sur son rôle répressif. D'autant que la Haute Autorité a confirmé qu'une dizaine d'internautes, qui avaient déjà été repérés à trois reprises, seront prochainement convoqués par l'Hadopi. Après avoir éventuellement entendu leurs explications, la Haute Autorité pourra transmettre ses premiers dossiers au parquet.
Source : Le Monde.fr