Cette loi promulguée le 10 juillet 2014 répond à l’engagement présidentiel qu’avait pris François Hollande durant sa campagne, à savoir : «J’encadrerai les stages pour empêcher les abus»
En effet, entre 2006 et 2012, le nombre de stages a explosé, passant de 600 000 à 1,6 million par an. Selon une enquête réalisée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, 32% des étudiants, soit près de 800 000 étudiants effectuent un stage pendant leur cursus universitaire. La Députée Chaynesse Khirouni a élaboré une proposition de loi visant à la refonte du cadre pédagogique et professionnel du stage, tout en luttant contre les abus et en évitant de pénaliser les organismes d’accueil. Si le stage est un formidable tremplin vers l’emploi, il peut aussi être une forme d’emploi masqué et précaire car les jeunes en stage peuvent être parfois considérés comme de la « main d’oeuvre bon marché ».
La proposition de loi apporte donc un nouveau cadre qui permet de lutter contre les abus à l’égard des étudiants en stage à travers les mesures suivantes :
- aucune convention de stage ne peut être conclue pour : exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent ; faire face à un accroissement temporaire de l'activité de l'organisme d'accueil ; occuper un emploi saisonnier ; remplacer un salarié en cas d'absence ou de suspension de son contrat de travail ;
- le nombre de stagiaires au sein d’une entreprise est limité, afin qu’ils ne constituent pas à eux seuls la force de travail d’une entreprise. Des dispositions sont prises pour les TPE et les start-up ;
- un tuteur est désigné par l’organisme d’accueil pour assurer un suivi professionnel ;
- les stagiaires bénéficient des mêmes droits et liberté dans l’entreprise ainsi que des mêmes protections contre le harcèlement moral et sexuel que les salariés. Ils bénéficient de congés et autorisations d’absence en cas de grossesse, d’adoption ou de paternité ;
- le temps de présence quotidien et hebdomadaire des stagiaires est défini. Les stages abrégés pour des raisons médicales (maladie, accident, grossesse..) peuvent être validés ;
- l’inscription des stagiaires est prévue dans le registre unique du personnel ;
- les gratifications versées aux stagiaires passeront de 436.05 à 523.26 euros par mois. Les employeurs restent exonérés de charges sociales ;
- transports et tickets restaurants : le stagiaire aura accès au restaurant de l’entreprise, à défaut il lui est fourni des tickets restaurants au même titre que les employés. Dans le dernier cas, cela ne peut être déduit de la gratification au stagiaire. L'employeur devra désormais prendre en charge une part du prix des titres d'abonnements de transports.
Au vu des arguments employés par les opposants à cette proposition de loi et aux confusions que cela a entraîné dans les esprits, il convient de revenir sur des contre-vérités.
Concernant l'interdiction des stages de plus de 6 mois et la limitation du nombre de stagiaires par organismes d’accueil qui seraient " des freins à l’embauche des stagiaires"
-Les stages trop longs font trop souvent office de périodes d’essai précaires et mal rémunérées ou de contrats à durée déterminée masqués. Les stages sont des moments de formation. Les stagiaires ne doivent pas devenir des variables d’ajustements de la masse salariale. Il faut rappeler que cette interdiction est issue de l’accord national interprofessionnel du 7 juin 2011, agréé par les partenaires sociaux. La loi Cherpion de 2011 avait prévu un nombre de dérogations tellement important que l’interdiction avait été vidée de son sens. Cette proposition de loi maintient une exception transitoire qui permettra aux formations qui le nécessitent de s’adapter. Par ailleurs les étudiants qui font une année de césure disposent d’autres formules telles que le volontariat international ou les contrats à durée indéterminée.
-Les stages ne doivent pas être des emplois déguisés, ce sont des formations au sein d’un parcours de formation et il faut que chaque stagiaire puisse être accompagné dans le travail qu’il accomplit. Il faut lutter contre les abus qui consistent à embaucher un stagiaire au lieu d’embaucher un salarié. Le nombre de stagiaires encadrés par un même tuteur est limité. Pour autant, il n’est pas question d’empêcher les petites entreprises de recourir à des stagiaires. Les entreprises jusqu’à trente salariés pourront accueillir jusqu’à trois stagiaires simultanément. Les recteurs d’académies pourront procéder à des dérogations en fonction des capacités d’accueil des entreprises, ce qui permettra aux start-up dites créatives de disposer de plusieurs stagiaires.
Concernant l'augmentation de la gratification minimale et obligatoire qui conduirait à " la diminution des offres de stages "
Le stagiaire, s’il poursuit une formation, fournit un travail conséquent et mérite une gratification correcte. La gratification minimale des stages de plus de deux mois sera à compter du 1er septembre 2015 fixée à 15% du plafond horaire de la sécurité sociale, soit 523.26 euros contre 436.05 euros précédemment.
Si le Sénat a adopté un amendement obligeant la rémunération des stages au-delà d’un mois, il a été choisi de le supprimer en commission mixte paritaire. Il faut pouvoir garantir l’accès des stages aux plus jeunes dans le cadre de stages courts, qui sont souvent des stages de découverte.
Gratification dérogatoire pour les Maisons Familiales Rurales (MFR) :
la concertation et le travail menés entre le gouvernement et les députés ont abouti à un accord qui permettra aux MFR de bénéficier d’un régime de gratification dérogatoire pour des stages de trois mois. Seront comptabilisées les périodes effectives de stage. Pour reprendre les propos du ministère de l’Agriculture : « S'agissant de l'autorisation à déroger à l'interdiction de l'affectation de jeunes mineurs de plus de 15 ans à des travaux réglementés, les évolutions réglementaires récentes ont vocation à fluidifier les demandes de dérogation. Ainsi, ces autorisations auront une validité de trois ans et seront valables non plus pour une personne mais pour un diplôme préparé.»
Concernant l'inscription du stagiaire dans le registre unique du personnel "le stagiaire n’est pas un salarié ordinaire, ce qui rend difficile son suivi pour l’entreprise "
Le stagiaire n’est pas, en effet, un salarié comme les autres, néanmoins, son inscription dans le registre unique du personnel permettra d’assurer un meilleur suivi par les employeurs, les délégués du personnel et les inspecteurs du travail. Alors que l’obligation de création d’un registre spécifique avait été actée par les précédentes majorités, ce dispositif est moins contraignant, plus simple et plus efficace.