"Je n'ai rien à me reprocher", "je suis très tranquille"...
Malgré la valse lancinante des révélations et des rebondissements autour de l'affaire Bettencourt, Eric Woerth ne dévie pas de sa ligne de défense : toutes les accusations contre lui sont fausses, et la presse monte en épingle des broutilles.
Une ligne relayée sans faillir par les ténors de l'UMP et le gouvernement.- "Je ne suis jamais intervenu dans un dossier de contrôle fiscal"
(RTL, 27 juin).
L'affirmation est formelle. Mais les révélations de Libération, vendredi 10 septembre, viennent la contredire. Selon le quotidien, Eric Woerth explique, dans une lettre à son ami le député Jean-François Mancel, qu'il va accorder, à sa demande, un dégrèvement fiscal à Pascal Pessiot, patron de la société française de casinos. Dans un communiqué, le ministre explique qu'"il a été saisi, pendant sa fonction, de milliers de lettres", dont certaines ont requis "une décision du ministre".
- "J'ai remis la Légion d'honneur, à sa demande – je ne l'ai pas obtenue, mais je l'ai remise – à Patrice de Maistre"
(RTL, 27 juin).
Catégorique, le ministre du travail répétera la même chose aux policiers lors de son audition : "Je n'ai pas eu de demande directe, ni par allusion (...). Je ne suis pas sûr d'avoir eu un rôle" dans l'attribution de la récompense. Une dénégation qui lui coûte cher : L'Express et Le Canard enchaîné révèlent, le 31 août, l'existence d'une lettre, signée de la main du ministre, par laquelle il recommande auprès de Nicolas Sarkozy Patrice de Maistre pour la Légion d'honneur. Rédigée sur papier à en-tête du trésorier de l'UMP, la lettre est accompagnée d'une mention manuscrite : "Je t'en reparle". Eric Woerth affirme désormais qu'il n'a "jamais dit que [cette lettre] n'avait pas existé".
- "Patrice de Maistre a reçu la Légion d'honneur en qualité de chef d'entreprise sur un contingent du ministère de l'économie." C'est M. de Maistre qui "avait demandé à Eric Woerth de lui remettre" la décoration
(communiqué de presse du ministère du travail, le 23 juin).
Une déclaration exacte, mais incomplète. Comme le révéleront plusieurs journaux au cours de l'été, le parcours de cette Légion est tortueux : une lettre de recommandation d'Éric Woerth à Nicolas Sarkozy en mars 2007, suivie de la prise en main du dossier par le cabinet du futur président, alors à l'intérieur, puis d'un transfert à Bercy. La Légion sera accordée le 14 juillet 2007, et remise à Patrice de Maistre en janvier 2008, par Eric Woerth.
- "Patrice de Maistre, je le connais, bien sûr que je le connais, Patrice de Maistre. Mais ce n'est pas un ami, un ami c'est autre chose"
(TF1, 6 juillet).
Eric Woerth a du mal à définir ses relations avec le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt. Après la publication par Mediapart des enregistrements clandestins, le 16 juin, le site d'information interroge les services du ministre sur ses liens avec le gestionnaire de fortune. "M. Woerth est-il l'ami de M. de Maistre ?" Réponse : "Non, c'est une connaissance." Interrogé, le 23 juin, sur les bancs de l'Assemblée, il esquive purement et simplement la question. Au "Grand Journal" de Canal +, le 22 juin, il déclare : "je le connais, c'est quelqu'un que je connais, depuis 3-4 ans, mais ce n'est pas un ami. Un ami, c'est quelqu'un avec qui on part en vacances". Même chose sur TF1, le 6 juillet, où il avoue le connaître, mais refuse de parler d'un "ami". Quelques jours plus tard, sur Europe 1, il affirme : "Bien sûr que je le connais, c'est le patron de ma femme."
- "Il n'y aucun conflit d'intérêts entre être trésorier d'un parti politique (...) et ministre du budget ou tout autre ministre"
(RTL, 27 juin).
Pourtant, le ministre finit par quitter son poste, et explique au Figaro, le 13 juillet : "Ce cumul fait l'objet d'une polémique. J'en prends donc acte (...), je ne me suis jamais accroché à ce poste. Le problème, c'est que si j'avais démissionné plus tôt, on m'aurait dit que j'avais quelque chose à me reprocher."
- "Je ne connais pas les finances de Mme Bettencourt, je n'ai aucune information sur une quelconque évasion fiscale"
(Le Journal du dimanche, 20 juin).
Ce n'est pas l'opinion du procureur Courroye, qui dit avoir alerté le fisc en janvier 2009 sur la situation fiscale de Liliane Bettencourt. Le 25 juin, dans un communiqué, Eric Woerth dit avoir lancé en 2009 un contrôle fiscal de François-Marie Banier, proche de l'héritière de L'Oréal. L'inspection générale des finances le dédouanera sur ce point, en expliquant qu'il n'y a aucune trace écrite d'une intervention du ministre.
- "Je n'ai jamais demandé à ce qu'on embauche mon épouse"
(Le Journal du dimanche, 20 juin).
Patrice de Maistre affirmera presque le contraire lors de son audition les 15 et 18 juillet. Selon le compte-rendu de l'interrogatoire, révélé par Le Monde, le gestionnaire de fortune affirme qu'Eric Woerth lui a "demandé de recevoir sa femme pour la conseiller sur sa carrière". Il dément ensuite dans un entretien au Journal du dimanche : "Eric Woerth ne m'a pas demandé d'embaucher sa femme." Une perquisition montrera pourtant que, sur le CV de Florence Woerth, Patrice de Maistre avait noté : "Rémunération environ 200 000 euros (...). Je suis obligé d'en parler à LB (Liliane Bettencourt, vu le mari 120 000 euros."
- [Florence Woerth] "a démissionné à contrecœur, pour tout vous dire, parce qu'elle n'a rien à se reprocher"
(RTL, 27 juin).
Une version quelque peu différente était pourtant avancée par l'intéressée : "Mon départ était de toute façon prévu car je ne m'entendais pas avec mon patron. Ce n'est que la suite logique de désaccords réguliers avec lui", explique-t-elle au Parisien le 23 juin.
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