Décembre 2009, la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale lance une mission d’enquête sur l’utilisation de l’argent récolté par la journée de solidarité et plus globalement sur la Caisse nationale de solidarité, qui gère ces fonds. Une initiative de Laurence Dumont, députée PS du Calvados, alertée par les coups de colère des associations.
La mission, qu’elle préside, doit remettre son rapport courant juin. Elle dénonce la ponction de « 150 millions d’euros pour financer le trou de la Sécu », s’inquiète de « dysfonctionnements budgétaires », d’une « sous affectation des fonds » et de l’hypothétique création d’une deuxième journée de solidarité.
L’argent de la journée de solidarité a-t-il été versé en totalité à ceux à qui il était destiné ?
Laurence Dumont : Non, du moins pas intégralement. 150 millions d’euros d’excédents ont servi à colmater le trou de la Sécurité sociale. Ce n’était pas prévu à l’origine. Entendons-nous bien, je ne parle pas de détournement de fonds, mais d’une réaffectation de sommes à d’autres fins que celles envisagées. En mars 2010, un rapport conjoint de l’Igas (inspection générale des affaires sociales) et de l’inspection des finances est explicite à ce sujet. La sanctuarisation des fonds, promise par Jean-Pierre Raffarin, n’a pas été respectée.
Sanctuarisation des fonds… C’est-à-dire ?
L’argent récolté doit servir uniquement à son objet final. Quand il lance le lundi de Pentecôte travaillé, Jean-Pierre Raffarin martèle qu’il n’y aura pas d’effet vignette automobile (l’argent de la vignette devait servir au revenu minimum vieillesse, mais au fil des ans une partie a été affectée à d’autres postes). A l’évidence ce n’est pas le cas.
Et sur les fonds normalement versés, ça se passe comment ?
Je ne peux que reprendre les termes du rapport Igas/IS : « Dysfonctionnements de procédures budgétaires ». Les dépenses sont parfois en décalage avec les besoins sur le terrain, même si les gens qui travaillent à la caisse font leur travail avec sérieux. Il y a un manque de concertation entre l’échelon national et les représentations dans les départements, jusqu’alors les Ddass. Je suis perplexe quand à la sous-utilisation des fonds, alors que les conseils généraux ploient sous la charge financière de l’APA (aide aux personnes âgées). J’ai découvert que la caisse ne savait pas, de façon fine, où allait l’argent. C’est d’autant plus stupéfiant que ce sont quand même 18 milliards d’euros qui sont gérés chaque année, 16 en provenance de l’Ondam * et 2 de la journée de solidarité.
Que comptez-vous faire ?
Attendre la remise du rapport en juin, mais j’ai déjà déposé une question écrite, qui devrait être présentée mercredi à l’Assemblée sur un point qui m’inquiète. J’ai entendu au cours de conversations que le gouvernement étudierait la création d’une deuxième journée de solidarité. Certains responsables m’ont confié qu’ils n’y étaient pas opposés. Pour ma part, j’étais contre l’idée de la première journée. Tout le monde sait qu’il faudra créer une cinquième branche de la protection sociale pour financer la dépendance, les besoins vont être énormes mais pas avec des journées à rallonge.
Pourquoi les auditions de votre mission sont-elles interdites d’accès au public ?
Je suis contre ce huis clos. On m’a dit que c’était pour que les experts puissent s’exprimer librement, sans la pression des journalistes…
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